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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/427

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inexplicable, c’est, à mon avis, toute espèce de conception.

2. Veut-on des exemples ? En voici : les cavales, dit-on, sont fécondées par le vent, les poules par les cendres, les canes par l’eau ; et il en est ainsi de quelques autres animaux. Si, en enfantant, ils perdent leur intégrité, ils peuvent la garder en concevant. Pourquoi dire alors que « si on veut a un exemple, ce ne sera plus unique, » puisque tant d’exemples se présentent ? Personne n’ignore que certains animaux naissent dans le corps des hommes comme dans le corps des femmes : y a-t-il pour cela une semence ? Voilà des exemples, voilà des prodiges dont on ne rend pas compte. On dira qu’il n’arrive jamais qu’un homme naisse d’une vierge ; mais, dans des choses d’une autre nature il y a des conceptions auxquelles toute semence est restée étrangère et dont il est impossible de rendre raison. Dans la génération même il se rencontre des enfantements qui laissent à la nature toute son intégrité. J’entends dire que l’araignée n’a pas besoin d’un autre concours que le sien pour produire admirablement à sa manière et sans altération d’organe tous ces fils auxquels elle a coutume de se suspendre : cela n’est accordé qu’à elle seule. Si on veut en chercher l’explication, c’est non-seulement admirable, mais de tels exemples sont impossibles à trouver. Ces exemples n’ont-ils pas précédé pour convaincre ceux qui auraient refusé de croire qu’une vierge pût enfanter ? ne prouvent-ils pas que cet événement n’est pas unique quoiqu’il soit admirable ? car toutes les œuvres de Dieu sont admirables parce qu’elles sont l’œuvre de la sagesse. Si donc on vient à nous faire ces objections, que répondrons-nous ?

3. Une autre chose m’embarrasse fort : on dira par les mêmes raisons que Notre-Seigneur peut voir la substance de Dieu des yeux de son corps glorifié, et dans la lettre à Italica vous avez dit et en toute vérité que cela ne se peut. Quand nous répondrons que cela ne se peut pas, on nous objectera que tout est merveilleux et unique dans la conception et la naissance du Seigneur, et que de même que nulle explication n’est possible quant à la conception dans un sein virginal, de même on ne saurait rendre raison du privilège qu’aurait Jésus-Christ de voir la substance de Dieu avec les yeux du corps : ce serait unique et sans exemple. Si nous répliquons que l’on comprend bien qu’on ne puisse pas voir avec une chose corporelle quelque chose d’incorporel, je crains qu’on ne nous dise que la conception dans un sein virginal peut se prouver par des raisons et des exemples. Ou bien l’impossibilité de voir des yeux du corps la substance de Dieu ne pourra pas s’établir, et alors on continuera à soutenir que le Fils de Dieu peut voir son Père par les yeux du corps ; ou bien si cette impossibilité est prouvée, on nous dira que de plus habiles seraient capables de rendre raison de la conception et de la naissance de Jésus-Christ. Quoi répondre ici ? je vous le demande. Je ne cherche pas à faire naître des disputes, mais je vous interroge pour tenir tête à ceux qui tenteraient de nous surprendre. Pour moi, je crois que la Vierge a conçu et enfanté, comme je l’ai toujours cru ; et la raison elle-même me persuade que Dieu ne peut pas être vu, même des yeux d’un corps glorifié. Je pense cependant qu’il faut aller au-devant des difficultés que la rébellion de l’esprit a coutume de susciter, et aussi donner satisfaction aux légitimes désirs d’instruction et d’étude. Priez pour nous. Que la paix et la charité du Christ fassent souvenir de nous votre sainteté, ô notre saint seigneur, vénérable et bienheureux frère !