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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/577

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présumer que cela doive être. Reste à prouver, si on veut, que cette prophétie regarde la fin du monde, reste à prouver, si on le peut, qu’elle n’a pas trouvé son accomplissement dans le premier avènement du Seigneur, contrairement au sentiment de tant de commentateurs des divins Livres qui le démontrent, non-seulement par le calcul des temps, mais encore par les événements mêmes, surtout en ce qui est écrit : « Et le Saint des saints recevra l’onction[1], » et à cause de ces paroles de la même prophétie dans le texte hébreu : « Le Christ sera mis à mort et il ne sera plus rien pour son peuple[2], » ou pour la cité qui était la sienne : tant il se trouvera séparé des juifs qui, n’ayant pas cru en lui comme Sauveur et Rédempteur, ont pu le tuer ! Le Christ ne sera ni consacré ni mis à mort à la fin des siècles, et l’on ne doit pas attendre alors l’accomplissement de cette prophétie de Daniel comme si on ne croyait pas qu’elle fût encore accomplie.

22. Quant aux signes marqués par l’Évangile et les prophètes, nous les voyons maintenant, et nous devons espérer comme prochain l’avènement du Seigneur : nul ne peut le nier. Cet avènement se rapproche chaque jour davantage. Mais quand le Seigneur viendra-t-il ? lui-même nous a dit : « Ce n’est pas à vous à le connaître. » Voyez quand l’Apôtre a dit « Maintenant notre salut est plus proche que lorsque nous avons commencé à croire. La nuit est avancée, le jour approche[3] : » et que d’années ont passé depuis lors ! et pourtant ce qu’a dit l’Apôtre n’est pas faux. À présent on a d’autant plus raison de penser que l’avènement du Seigneur est prochain, que le temps écoulé nous a plus rapproché de la fin du monde. « L’Esprit dit ouvertement que, dans les derniers temps, quelques-uns abandonneront la foi[4]. » Ainsi parle saint Paul ; on n’en était pas encore aux temps des hérétiques et de leurs pareils qu’il peint dans le même discours ; ces temps sont aujourd’hui venus, et à cause de cela il semble que, dans les derniers jours, les ennemis de la foi nous avertissent eux-mêmes de la fin du siècle. L’Apôtre dit ailleurs : « Sachez que dans les derniers jours il viendra des temps rigoureux ; » ou comme portent d’autres exemplaires, « des temps périlleux ; » saint Paul explique quels seront ces temps : « Il y aura des hommes épris d’eux-mêmes, avares, fiers, superbes, blasphémateurs, désobéissants à leurs pères et à leurs mères, ingrats, impies, sans foi, sans charité, calomniateurs, incontinents, cruels, sans bonté, traîtres, insolents, aveuglés, plus attachés aux voluptés qu’à Dieu, ayant l’apparente, de la piété, mais reniant son véritable esprit[5]. » N’y a-t-il pas eu de ces hommes-là dans tous les temps ? il y en avait aussi du temps de l’Apôtre, puisqu’il ajoute : « Évite aussi ceux-là. Car il y en a parmi eux qui pénètrent dans les maisons. » Saint Paul ne dit pas qu’ils pénétreront dans les maisons comme lorsqu’il a précédemment annoncé qu’il viendra des temps périlleux mais il dit : « Ils pénètrent dans les maisons et traînent des femmelettes comme leurs captives[6]. » Il ne dit pas : ils traîneront ou ils doivent traîner, mais dès ce moment, « ils traînent. »

23. L’Apôtre ne prend pas ici le présent pour le futur, puisqu’il engage ceux à qui il s’adresse d’éviter ces gens-là. Toutefois, ce n’est pas en vain qu’il annonce que « dans les derniers jours il viendra des temps périlleux ; » ce n’est pas en vain qu’en signalant les dangers futurs il annonce la venue de tels hommes ; car ils seront d’autant plus nombreux et abonderont d’autant plus que la fin sera plus prochaine. Nous les voyons pulluler maintenant, mais qui sait s’ils ne seront pas plus nombreux après nous, et infiniment plus nombreux encore lorsqu’on sera tout à fait aux approches de cette fin du monde dont nous ignorons le moment précis ? On a parlé des derniers jours, aux premiers jours même des apôtres, quand le Seigneur venait de monter au ciel, lorsqu’il envoya le Saint-Esprit qu’il avait promis et que les apôtres parlaient des langues qu’ils n’avaient point apprises, au grand étonnement de ceux qui les entendaient et dont quelques-uns les admiraient, tandis que d’autres se moquaient d’eux, disant qu’ils étaient pleins de vin nouveau[7]. L’apôtre Pierre s’adressant ce même jour aux gens qui se montraient diversement émus de ces prodiges, leur disait : « Ceux-ci ne sont pas ivres, comme vous vous l’imaginez, puisqu’il n’est que la troisième heure du jour. Mais voyez, c’est ce qui a été dit par le Prophète : Il arrivera dans les derniers jours, dit, le Seigneur, que je

  1. Dan. IX, 24.
  2. Ibid. IX, 26.
  3. Rom. XIII, 11-12.
  4. I Tim. IV, 1.
  5. II Tim. III, 1-5.
  6. Ibid. III, 1-6.
  7. Act. II, 13.