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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/68

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foi, mais nous gémissons encore en nous-mêmes, attendant l’adoption, la délivrance de notre corps, car c’est en espérance que nous sommes sauvés. » Pendant que nous sommes dans cette espérance, « notre corps est mort à cause du péché, mais notre esprit est vivant à cause de la justice[1]. » Voyez ce qui suit : « Si l’Esprit de Celui qui ressuscita Jésus d’entre les morts habite en nous, Celui qui ressuscita le Christ d’entre les morts donnera la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous[2]. » Voilà ce qui attend toute l’Église durant le pèlerinage de la mortalité. Elle attend à la fin des siècles ce qui lui a été montré à l’avance dans le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le premier-né d’entre les morts, le chef de ce corps qui n’est autre qu’elle-même[3].

4. Quelques-uns, faisant attention aux paroles de l’Apôtre sur notre mort et notre résurrection avec le Christ, et comprenant mal dans quel sens elles ont été dites, ont cru que la résurrection était déjà arrivée et qu’il n’y en avait pas d’autre à attendre à la fin des temps. « De ce nombre sont Hyménée et Philète, qui se sont écartés de la vérité en disant que la résurrection est déjà arrivée, et qui ont renversé la foi de quelques-uns[4]. » C’est l’Apôtre qui les blâme et les repousse, le même apôtre qui cependant a dit que nous sommes ressuscités avec le Christ ; et comment s’est faite en nous cette résurrection, sinon par la foi, l’espérance et l’amour, selon les prémices de l’Esprit, comme il dit ? Mais parce que l’espérance qui se voit n’est pas l’espérance, et qu’en espérant ce que nous ne voyons pas nous l’attendons par la patience ; il nous reste à attendre la délivrance de notre corps, et nous l’attendons en gémissant en nous-mêmes ; de là cette parole : « Réjouissez-vous dans votre espérance, soyez patients dans la tribulation[5]. »

5. Ce changement de notre vie est donc un certain passage de la mort à la vie qui se fait d’abord par la foi, afin que nous nous réjouissions dans l’espérance et que nous soyons patients dans la tribulation, pendant que notre homme extérieur se corrompt et que l’intérieur se renouvelle de jour en jour[6]. C’est à cause de ce commencement d’une vie nouvelle, à cause de cet homme nouveau dont il faut nous revêtir en dépouillant l’ancien[7], en nous purifiant du vieux levain pour devenir une pâte nouvelle, puisque notre Agneau pascal a été immolé[8] ; c’est, dis-je, à cause de ce renouvellement de notre vie que la célébration de Pâques a été placée le premier du mois de l’année, de ce mois qui est appelé le mois des fruits nouveaux[9]. De plus, le temps chrétien étant la troisième époque dans tout le cours des siècles, la résurrection du Seigneur est arrivée le troisième jour ; la première époque en effet est avant la Loi, la seconde sous la Loi, la troisième sous la Grâce, où s’est manifesté le sacrement caché auparavant dans l’obscurité d’un voile prophétique. Cette troisième époque nous est représentée aussi par le nombre des jours de la lune ; car le nombre sept ayant coutume d’apparaître dans les Écritures comme un nombre mystique pour exprimer une certaine perfection, Pâques est célébrée dans la troisième semaine de la lune, à un jour qui se rencontre du quatorzième au vingt et unième.

6. Il y a ici un autre mystère qui vous semblera obscur si certaines connaissances ne vous sont pas familières ; ne vous en affligez pas, et ne me croyez pas meilleur parce que j’ai appris ces choses dans les études de mon enfance : « Celui qui se glorifie doit ne se glorifier que de savoir et de comprendre que je suis le Seigneur[10]. » Plusieurs donc, curieux de ces choses, ont beaucoup étudié les nombres et les mouvements des astres. Ceux qui se sont le plus habilement appliqués à ces études ont expliqué l’accroissement et le décroissement de la lune par le mouvement de son globe ; ce n’est pas qu’une substance quelconque se mêle à la lune lorsqu’elle s’accroît, ou s’en retire lorsqu’elle diminue, comme le pensent les manichéens dans le délire de leur ignorance ils supposent que la lune se remplit, comme ferait un navire, de cette portion fugitive de Dieu, que d’un cœur et d’une bouche sacrilège ils ne craignent pas de croire et de dire souillée par son mélange avec les impuretés des princes des ténèbres. Ils prétendent donc que la lune se remplit, quand cette même portion de Dieu, délivrée de toute souillure par de grands travaux, fuyant du monde et de tous les cloaques, est restituée à Dieu qui pleure jusqu’à son retour ; qu’elle en est remplie durant la moitié du

  1. Rom. VIII, 23,24
  2. Rom. VIII, 11
  3. Coloss. I, 18
  4. II Tim. II, 17-18
  5. Rom. XII, 12
  6. II Cor. IV, 16
  7. Coloss. III, 9-10
  8. I Cor. V, 7
  9. Exod. XXIII, 15
  10. Jérém., IX, 24.