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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/84

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Tout en condamnant leur erreur, nous reconnaissons, nous respectons et nous aimons le bien qui est en eux, c’est-à-dire le nom de Dieu et son sacrement. Nous gémissons sur les errants, et nous désirons les gagner à Dieu par la charité du Christ, afin que ce grand sacrement qu’ils portent pour leur perte, tandis qu’ils sont hors de l’Église, ils le portent pour leur salut en rentrant dans la paix catholique. Lorsqu’on aura fait disparaître le mal qui vient des hommes pour respecter dans les hommes tous les biens qui viennent de Dieu, il s’établira une fraternelle concorde, une aimable paix, et la charité du Christ vaincra dans les cœurs les inspirations du démon.

2. Ainsi quand ils reviennent à nous du parti de Donat, nous ne recevons pas ce qui est mauvais en eux, c’est-à-dire la séparation et l’erreur, mais ces mauvaises choses tombent comme les obstacles de la concorde ; nous embrassons nos frères et nous demeurons avec eux, comme dit l’Apôtre, « dans l’unité de l’esprit, dans le lien de la paix[1] ; » nous reconnaissons en eux les biens de Dieu, le saint baptême, l’ordination, la profession de continence, le vœu de virginité, la foi de la Trinité ; mais ces choses, et d’autres encore, ne servaient de rien tant que la charité y manquait. Qui peut dire qu’il a la charité du Christ, quand il n’en embrasse pas l’unité ? Lors donc qu’ils reviennent à l’Église catholique, ils n’y reçoivent point ce qu’ils avaient ; mais ils reçoivent ce qu’ils n’avaient pas, afin que ce qu’ils possédaient auparavant commence à leur profiter. C’est ici qu’ils reçoivent la racine de la charité dans le lien de la paix et dans la société de l’unité, pour que tous les sacrements de vérité servent à leur délivrance et non pas à leur damnation. Les sarments ne doivent point se glorifier de ne pas être du bois des épines, mais du bois de la vigne ; car s’ils restent séparés du cep, ils seront, malgré leur belle apparence, jetés au feu. Mais l’Apôtre a dit de ces branches brisées que Dieu est assez puissant pour les enter une seconde fois[2]. C’est pourquoi, très-cher frère, montrez cette lettre, dont l’écriture vous est bien connue, à tous les donatistes qui vous témoigneront des inquiétudes sur le rang qu’ils occuperaient au milieu de nous ; et s’ils veulent la garder, donnez-la leur ; je prends Dieu à témoin sur mon âme, qu’en rentrant parmi nous, non-seulement ils conserveront le baptême du Christ, qu’ils ont reçu, mais encore la place qui est due à l’ordination et à la continence[3].

LETTRE LXII.

(A la fin de l’année 394.)

Sur une question de serment.

ALYPE, AUGUSTIN ET SAMSUCIUS[4], ET LES FRÈRES QUI SONT AVEC NOUS, AU BIENHEUREUX SEIGNEUR, AU TRÈS-CHER ET VÉNÉRABLE FRÈRE SÉVÈRE[5], NOTRE COLLÈGUE DANS L’ÉPISCOPAT, ET AUX FRÈRES QUI SONT AVEC VOUS.

1. Lorsque nous sommes allés à Sousane pour nous y informer de ce qu’on y a fait en notre absence et contre notre volonté, nous avons reconnu que certaines choses s’étaient passées comme nous l’avions entendu dire, et que d’autres s’étaient passées autrement ; mais tout ce que nous avons appris nous a paru déplorable : nous avons, dans la mesure du secours divin, remédié à ces misères en employant tour à tour les reproches, les avertissements, les prières. Ce qui nous a le plus contristés après le départ de votre sainteté, c’est qu’on ait laissé partir nos frères sans leur donner un guide pour leur retour ; veuillez le pardonner et sachez que cela a été fait plus par crainte que par mauvaise intention. Comme on croyait que notre fils Timothée les avait surtout envoyés pour vous exciter contre nous, on ne voulait rien entamer jusqu’à notre arrivée qu’on espérait en même temps que la vôtre, et on ne pensait pas qu’ils partiraient sans guide. Mais cela est mal, qui en doute ? Il avait été même dit à Fossor que Timothée était déjà parti avec ces mêmes frères, et c’était faux ; cela pourtant n’a pas été dit par le prêtre ; et il nous a été manifestement déclaré, autant que ces choses puissent l’être, que notre frère Carcédonius a tout ignoré.

2. Mais pourquoi tous ces détails ? notre fils Timothée, bouleversé de cette situation douteuse où il se trouvait malgré lui, nous fit savoir que,

  1. Eph. IV, 3
  2. Rom. XI, 23
  3. Le clergé donatiste qui revenait à l’Église catholique fut traité diversement selon les époques ; saint Augustin, dans cette question, s’inspira toujours des sentiments les plus larges et les plus conciliants.
  4. Samsucius, évêque de Tours en Numidie, assista au concile de Carthage, en 407]]
  5. Nous avons parlé, dans l’Histoire de saint Augustin, de la tendre et profonde amitié qui unissait l’évêque d’Hippone et Sévère, évêque de Milève.