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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/87

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vous devriez vous-même supporter tranquillement pour la discipline de l’Église la sévérité de notre réserve, quand surtout votre conscience, connue seulement de Dieu et de vous, ne vous reproche rien. C’est le poids de ses affaires et non pas un sentiment contre vous, qui a obligé Aurèle de différer le jugement de votre cause ; et si ces affaires vous étaient connues comme les vôtres, vous ne seriez ni étonné ni affligé de ce retard. Je vous demande aussi de croire aux occupations qui m’accablent, parce que vous ne pouvez pas plus les connaître que celles d’Aurèle. Du reste, il y a des évêques de plus ancienne date et de plus d’autorité, et qui sont bien plus vos voisins que moi ; vous pourriez plus aisément leur soumettre les causes de l’Église dont vous êtes chargé. Toutefois, je n’ai pas omis de parler de vos tribulations et de vos plaintes à mon vénérable et saint frère et collègue Aurèle ; j’ai eu soin de lui envoyer la preuve de votre innocence par une copie de votre lettre. Quant à celle oit vous m’avez fait entendre qu’il viendrait à Badesilit[1] et où vous me témoignez des craintes de trouble et de mauvaise influence pour le peuple de Dieu, je l’ai reçue la veille ou l’avant-veille de Noël. Je n’ose m’adresser à votre peuple par une lettre ; je pourrais écrire à ceux qui m’écriraient ; mais comment m’adresser de mon propre mouvement à ceux qui ne sont pas confiés à mes soins ?

3. Cependant ce que je vous dis à vous, qui m’avez écrit, faites-le connaître à ceux qu’il est besoin d’en instruire ; et vous-même ne scandalisez pas l’Église en lisant au peuple des Écritures non reçues par le canon ecclésiastique ; les hérétiques, et surtout les manichéens qui, d’après ce que j’apprends, aiment à se cacher dans vos campagnes, ont coutume de renverser avec ces livres les cervelles des ignorants. J’admire que vous me demandiez de ne pas laisser admettre dans le monastère ceux des vôtres qui viendraient vers nous, conformément aux décrets du concile ; et vous oubliez qu’il a été marqué dans le concile[2] quelles sont les Écritures canoniques qu’on doit lire au peuple de Dieu. Repassez donc le concile, et gardez bien le souvenir de tout ce que vous y lirez ; vous y trouverez qu’il a été statué, non pas pour les laïques, mais pour les clercs seulement, qu’ils ne doivent pas être indifféremment reçus dans un monastère. Ce n’est pas qu’il y ait été fait mention de monastère, mais le règlement porte qu’on ne doit pas recevoir des clercs étrangers, et il a été décidé dans un concile récent[3], que ceux qui s’en iraient ou seraient chassés d’un monastère, ne pourraient ni être placés à la tête d’une communauté ni être admis dans la cléricature. Si donc vous avez quelque inquiétude sur Privatien, sachez que nous ne l’avons pas encore reçu dans notre communauté, mais j’ai envoyé sa cause au vénérable Aurèle, et je me conformerai à ce qu’il aura décidé ; je m’étonne qu’on puisse être réputé lecteur après avoir, à peine une seule fois, lu des Écritures qui n’étaient pas même canoniques. Si cela suffit pour être lecteur ecclésiastique, assurément cette Écriture est aussi ecclésiastique. Mais si cette Écriture n’est pas ecclésiastique, quiconque l’a lue, même dans une église, n’est pas lecteur ecclésiastique. Toutefois, je m’en tiendrai pour ce jeune homme à ce qui paraîtra bon an pontife dont il a été parlé plus haut.

4. Le peuple de Vigésilis, qui nous est si cher, à vous et à moi, dans les entrailles du Christ, s’il refuse de recevoir un évêque dégradé dans un concile général de l’Afrique, fera sagement ; il ne peut ni ne doit être forcé. Et quiconque le contraindra violemment montrera ce qu’il est, et fera comprendre ce qu’il était déjà quand il ne permettait pas qu’on pensât rien de mauvais sur son compté. Nul ne découvre mieux ce qu’il a été que celui qui portant le trouble et la plainte autour de lui, veut employer les puissances séculières ou des violences quelconques pour retrouver la dignité qu’il a perdue ; car dès ce moment son dessein n’est pas de servir un Maître qui le veuille pour ministre, mais de dominer des chrétiens qui ne veulent pas de lui. Frère, soyez prudent ; le démon est très-rusé, mais le Christ est la sagesse de Dieu.

  1. Concile d’Hippone, année 393, et concile de Carthage, année 91.
  2. Concile d’Hippone, année 393, et concile de Carthage, année 91.
  3. Concile de Carthage, 481.