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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/142

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au-delà des conquêtes de l’empire Romain, jusque chez les Perses, les Indiens et les autres nations barbares ; si à droite, par les chrétiens sincères, à gauche, par les chrétiens apparents, son nom est au loin répandu et connu de tant de peuples ; sises enfants possèdent les nations en héritage et peuvent habiter maintenant les villes autrefois étrangères au vrai culte de Dieu et à la vraie religion ; si elle n’a craint ni les menaces ni les fureurs du monde, quand le sang des martyrs lui faisait comme un glorieux vêtement de pourpre ; si elle a prévalu contre la violence des persécuteurs nombreux, puissants, acharnés à sa perte ; si elle ne rougissait pas d’être en exécration, quand c’était un grand crime de devenir ou d’être chrétien, et oublie maintenant pour toujours son humiliation, parce que là où avait abondé le péché a surabondé la grâce[1] ; si elle ne se souvient plus de la honte de son délaissement, parce que, abandonnée pour un peu de temps et soumise à l’opprobre, elle voit refleurir sa gloire d’une manière éclatante ; enfin si le Seigneur, le Dieu d’Israël, qui l’a faite et l’a délivrée de la puissance du diable et des démons, est appelé maintenant le Dieu de toute la terre : tous ces événements prédits, tant d’années avant que le Christ devint le fils de l’homme, par des prophètes dont aujourd’hui les livres se trouvent entre les mains des ennemis du Christ ; tous ces faits accomplis aujourd’hui ont-ils été imaginés par les disciples de Jésus-Christ ?

50. Qu’ils comprennent donc enfin ce qui n’est plus obscur ni douteux même pour les esprits les plus lents et les plus bornés qu’ils comprennent, ces hommes pervers, dont nous entendons les éloges en faveur du Christ et les imprécations contre la religion chrétienne, que les disciples de Jésus-Christ ont puisé dans sa doctrine leur enseignement contraire aux dieux du paganisme. Car le Dieu d’Israël qui a prescrit, comme on le voit dans les livres des prophètes, de tenir en abomination et de renverser partout les idoles que les païens veulent adorer, se trouve maintenant, selon sa promesse bien antérieure au fait, appelé le Dieu de toute la terre par le moyen de Jésus-Christ et de l’Église de Jésus-Christ. Si par une étrange folie ces hommes supposent que Jésus-Christ fut un adorateur de leurs dieux, et que par eux il devint capable d’opérer tant de prodiges ; le Dieu d’Israël, les a-t-il aussi adorés, lui qui, après avoir promis que toutes les nations l’adoreraient uniquement, et que toutes les idoles devenues un objet d’horreur seraient détruites, a réalisé sa promesse par Jésus-Christ ? Où sont maintenant les dieux des païens ? Où les devins furieux et les pythonisses rendent-ils leurs oracles ? Où sont les augures, les auspices, les aruspices et les oracles des démons ? Pourquoi ne montre-t-on dans les anciens livres où se trouvent consignés les monuments de l’idolâtrie, aucun avertissement, aucune prédiction contre la foi chrétienne et contre la vérité de nos prophètes, aujourd’hui si clairement révélée dans toutes les nations ? Nous avons, disent-ils, offensé nos dieux, et ils nous ont abandonnés ; c’est pour cela que les chrétiens ont prévalu contre nous et que nous voyons s’arrêter, décroître et disparaître la félicité du monde. Qu’ils veuillent nous montrer dans les livres de leurs devins, un oracle d’après lequel les chrétiens devaient leur causer tous ces maux ; qu’ils lisent des passages où leurs dieux aient maudit et réprouvé, sinon le Christ, qui suivant eux a fléchi les genoux devant les idoles, au moins le Dieu d’Israël, à qui l’on est bien obligé d’en attribuer la ruine. Mais jamais ils ne produiront, dans ce sens, que ce qu’ils pourraient eux-mêmes avoir inventé depuis peu de temps. Et s’ils le font, la vérité les confondra, car une chose si importante n’aurait pu demeurer jusqu’alors dans un tel secret, et sans aucun doute on l’aurait publiée avant l’événement, sous les voûtes des temples de toutes les nations païennes, afin d’avertir, et de prémunir contre la désertion, ceux qui aujourd’hui veulent être chrétiens.

CHAPITRE XXXIII. LES TEMPS CHRÉTIENS ONT-ILS DIMINUÉ LÉ BONHEUR SUR LA TERRE ?

51. Nos adversaires se plaignent aussi que depuis l’apparition du Christianisme, les hommes sont loin de jouir du même bonheur. Qu’ils prennent donc la peine de lire les ouvrages de leurs philosophes ennemis de ces plaisirs dont ils sont privés aujourd’hui à leur grand regret, et ils trouveront de quoi louer beaucoup les temps chrétiens. Car en quoi leur félicité se trouve-t-elle diminuée, à moins qu’ils ne lui donnent pour objet ce dont leur débauche faisait un abus si indigne au grand mépris du Créateur ? Le malheur des temps viendrait-il de ce que les théâtres, écoles publiques de honteuses dissolutions

  1. Rom. 5, 20