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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/144

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CHAPITRE XXXV. LE MYSTÈRE DU MÉDIATEUR DANS LES PROPHÉTIES ET L’ÉVANGILE.

53. Le Christ est lui-même la Sagesse de Dieu, par qui toute chose créée a reçu l’être, et nulle autre intelligence soit dès anges, soit des hommes ne devient sage qu’en participant à cette éternelle sagesse à laquelle nous unit l’Esprit Saint, ce dernier terme d’une adorable Trinité en un seul Dieu, et la source d’où découle la charité dans nos cœurs. C’est pourquoi la divine providence, attentive à l’intérêt de pauvres mortels, dont la vie temporelle était absorbée par le mouvement des choses qui commencent et finissent, leur est venue en aide. Cette même Sagesse a pris la nature humaine en unité de personne, afin de naître, de vivre, de mourir et de ressusciter dans le temps, de dire et de faire, de souffrir et d’endurer des choses, appropriées à notre salut ; et elle a ainsi présenté aux hommes ici-bas l’exemple du retour, comme aux anges dans les hauteurs célestes un exemple de persévérance. S’il ne se produisait, en effet, jusque dans la nature de l’âme raisonnable, quelque fait nouveau, c’est-à-dire, quelque chose qui n’étant pas commence à être dans le temps, jamais elle ne passerait d’une vie insensée et très misérable à la vie sage et bienheureuse. Aussi, comme la possession de la vérité, pour ceux qui la contemplent en elle-même, est la jouissance des choses éternelles, et que la foi, pour ceux qui croient, doit s’appliquer à des choses dont l’existence a commencé, l’homme se purifie dans la foi de mystères temporels, afin d’être capable de voir et de posséder la vérité des choses éternelles. C’est ce que Platon, le plus célèbre de tous leurs philosophes, a très-bien exprimé dans son livre intitulé le Timée : « La possession de la vérité par rapport à la foi, dit-il, c’est l’éternité par rapport à ce qui commence. » Or l’éternité et la vérité sont en haut ; la ; foi et ce qui a eu commencement se trouvent dans une région inférieure. Ainsi pour nous élever de notre bassesse à ce qui est au-dessus de tout, et pour faire participer à l’éternité ce qui a eu yin commencement, il nous tant par la foi venir à la vérité. Et puisqu’un terme moyen est nécessaire pour rapprocher des choses qui suivent une direction opposée et que l’iniquité du temps nous éloignait de l’éternelle justice ; il nous fallait donc la médiation d’une justice qui tint à la fois du temps et de l’éternité, de la terre et du ciel, et qui sans rompre avec les choses d’en haut s’accommodât à celles d’en bas, de manière à réunir les unes aux autres. C’est pour cela que le Christ a été appelé médiateur de Dieu et des hommes[1]. Dieu et homme entre. Dieu immortel et l’homme mortel, devenu ce qu’il n’était pas en demeurant ce qu’il était, il nous réconcilie avec Dieu[2] : et celui qui est la vérité dans les choses éternelles, est aussi pour nous la foi dans les choses que le temps a vu naître.

54. Ce grand mystère, que nulle langue humaine ne peut dignement exprimer, ce mystère du Roi-pontife révélé aux anciens par la prophétie, est maintenant prêché au monde par l’Évangile. Il fallait, en effet, qu’un jour, dans toutes les nations fût accomplie la promesse faite depuis si longtemps parle ministère d’une seule nation. C’est pourquoi celui qui avant sa descente du ciel sur la terre envoyait les prophètes, a aussi envoyé les Apôtres après son ascension de la terre au ciel. Or, parla nature humaine dont il a voulu se revêtir, il est comme la tête de tous ses disciples qui doivent être considérés comme les membres de son corps. Par conséquent, quand les disciples ont écrit sa vie et ses discours, on ne peut prétendre que lui-même n’a rien écrit, puisque les membres n’ont agi en cela que sous l’inspiration et suivant la volonté du chef. Car il leur a commandé comme à ses mains d’écrire ce qu’il a voulu nous faire lire de ses actes et de ses paroles. Quiconque saura ainsi comprendre le ministère des Apôtres, et considérer les disciples du divin maître comme des membres qui gardent l’unité et une harmonie parfaite en exécutant différentes fonctions sous un seul et même chef, recevra tout ce que leurs récits lui présentent dans l’Évangile, comme si la main même du Seigneur l’écrivait devant lui. Nous pouvons donc voir maintenant quelles sont les contradictions que l’intelligence bornée de nos adversaires croit apercevoir et qu’ils reprochent aux Évangélistes. Quand les objections particulières seront résolues, on aura une nouvelle preuve que les disciples de Jésus-Christ, membres d’un même chef, sont demeurés dans les termes d’une concorde fraternelle, non-seulement par la conformité de leurs sentiments, mais aussi par l’accord de leurs écrits.

  1. 1Ti. 2, 5
  2. Ib