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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/157

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CHAPITRE VII. DES DEUX HÉRODES.

20. Saint Luc rapporte qu’Hérode était tétrarque de Galilée quand Jésus-Christ, alors dans l’âge de la jeunesse, reçut le baptême de Jean[1] ; et saint Matthieu, que Jésus-Christ encore enfant quitta l’Égypte pour revenir en son pays après la mort d’Hérode. Plusieurs veulent trouver ici l’objet d’une difficulté sérieuse. Pour affirmer la vérité des deux passages, il faut, sans doute, reconnaître qu’il y a eu deux Hérodes. Comme aux yeux de tout le monde la chose est très-possible, quel n’est pas l’aveuglement de ces hommes qui ne cherchent qu’à calommier la vérité de l’Évangile, quand la moindre réflexion leur ferait voir qu’il s’agit de deux personnages appelés du même nom ? C’est de quoi l’on trouve partout des exemples. Il est certain, en effet, que ce dernier Hérode était fils du premier ; comme Archélaüs, que saint Matthieu place sur le trône de Judée après la mort de son père, à l’époque du retour d’Égypte[2] ; comme Philippe que saint Luc représente comme le frère du tétrarque Hérode et tétrarque lui-même de l’Iturée[3]. Aussi bien le premier Hérode qui cherchait à faire mourir l’enfant Jésus avait le titre de roi : quant à l’autre, son fils, il n’avait que celui de tétrarque ; c’est-à-dire qu’il était gouverneur de l’une des quatre provinces formées alors de l’ancien royaume.

CHAPITRE VIII. RETOUR A NAZARETH.

21. On voudra peut-être voir encore une autre difficulté. D’après saint Matthieu Joseph revenant d’Égypte n’osa aller en Judée avec l’enfant, parce qu’un fils d’Hérode, Archélaüs, y régnait à sa place. Mais comment peut-il aller en Galilée, où, d’après le récit de saint Luc, régnait le tétrarque Hérode, un autre fils de ce tyran ? La question suppose qu’il s’agit du même temps. Mais le temps dont parle saint Luc n’est plus celui où Joseph craignait pour l’enfant Jésus : les choses avaient tellement changé de face que la Judée n’était plus sous le sceptre d’Archélaüs, et qu’elle obéissait à Ponce-Pilate, qui n’était pas roi mais gouverneur des Juifs : alors les fils d’Hérode l’ancien administraient sous (autorité de Tibère César, non un royaume mais une tétrarchie. Il est clair que cette révolution n’avait pas encore eu lieu quand Joseph, craignant Archélaüs, roi de Judée, se transporta avec l’enfant dans la province de Galilée, où, du reste, était située Nazareth sa ville natale.

CHAPITRE IX. MOTIFS DE PRÉFÉRENCE POUR LE SÉJOUR A NAZARETH.

22. Veut-on nous faire encore une nouvelle objection, et nous demander comment saint Matthieu a dit que les parents de l’enfant Jésus se rendirent avec lui en Galilée, parce que la crainte d’Archélaüs les détourna d’aller en Judée : quand ils ont plus vraisemblablement fixé leur séjour dans cette province parla raison que leur ville était Nazareth de Galilée, comme le déclare saint Luc ? Mais il faut comprendre que Joseph ayant ouï en Égypte, durant son sommeil, ces paroles de l’Ange : « Lève-toi, prends l’enfant et sa mère, et retourne dans la terre d’Israël, n y vit tout d’abord un ordre de se rendre en Judée ; et sans doute par la terre d’Israël il put entendre, avant tout, le pays dont Jérusalem était le centre. Ensuite, ayant appris l’élévation d’Archélaüs sur le trône d’Hérode son père, il voulut d’autant moins s’exposer aux poursuites du tyran, qu’il pouvait considérer la Galilée comme étant aussi la terre d’Israël, puisque les habitants de cette province étaient aussi des Israélites. On peut cependant résoudre encore cette objection d’une autre manière. Les parents de Jésus-Christ purent croire que Jérusalem, à cause du temple du Seigneur, était le seul séjour où il leur convint de s’établir avec cet enfant, dont les oracles célestes leur apprenaient tant de merveilles : et alors ils devaient, au retour d’Égypte, y fixer leur demeure, s’ils n’eussent redouté la présence du fils d’Hérode, dont l’ordre divin ne leur enjoignait pas de mépriser les menaces.

CHAPITRE X. VOYAGES À JÉRUSALEM.

23. On dira peut-être encore : Comment donc, au rapport de saint Luc, les parents de Jésus allaient-ils, toutes les années de son enfance, à Jérusalem, puisque la crainte d’Archélaüs leur interdisait l’accès de la ville ? Il me serait facile de répondre, lors même qu’un évangéliste nous aurait fait connaître le temps que dura le règne d’Archélaüs

  1. Luc. 3, 1-21
  2. Mat. 2, 19-22
  3. Id.10-22