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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/171

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CHAPITRE XXIII. JE VOUS SUIVRAI PARTOUT OU VOUS IREZ.

54. On lit ensuite dans saint Matthieu : « Or, un docteur de la loi s’étant approché, lui dit : Maître, je vous suivrai en quelque lieu que vous alliez ; » et le reste, jusqu’à la réponse du Seigneur : « Laisse les morts ensevelir leurs morts[1]. » C’est ce que raconte également saint Luc ; toutefois.après beaucoup d’autres détails et, sans exprimer l’ordre des temps, mais à la manière d’un homme qui suit la marche de ses souvenirs, et sans qu’on voie s’il reprend ce qu’il avait d’abord omis, ou s’il expose d’avance un événement postérieur à ceux qu’il rapporte ensuite. Voici comme il parle : « Tandis qu’ils marchaient sur le chemin, un homme dit à Jésus : Je vous suivrai partout ou vous irez. » La réponse du Seigneur à cet homme est tout à fait la même que dans saint Matthieu. Il est vrai que selon celui-ci la chose arrive quand Jésus vient de dire qu’il faut passer à l’autre bord du lac ; et que d’après saint Luc c’est quand Jésus et ses disciples marchent sur le chemin. Mais il n’y a pas de contradiction ; car il fallut marcher sans doute pour venir au lac. De même, à l’égard de celui qui demande la permission d’aller d’abord ensevelir son père, les deux évangélistes s’accordent parfaitement. Qu’importe en effet, pour le sens, que saint Matthieu place la demande de cet homme avant ces paroles de Jésus. « Suis-moi ; » et que saint Luc nous fasse lire les mêmes paroles du Sauveur : « Suis-moi ; » avant cette même demande ? Au rapport de saint Luc un autre vient encore dire à Jésus : « Seigneur, je vous suivrai ; mais permettez-moi d’aller auparavant renoncer à ce qui est dans ma maison. » Saint Matthieu n’en parle pas. Dès lors saint Luc passe à autre chose que ce qui viendrait selon l’ordre du temps. « Après cela, dit-il, le Seigneur choisit encore soixante-douze nouveaux disciples[2]. » Il déclare que c’est après – cela : mais il n’indique pas le temps qui s’est écoulé jusqu’à l’élection dont il s’agit. Durant l’intervalle cependant ont eu lieu les faits que rapporte ensuite saint Matthieu. Car cet évangéliste, qui continue ici sa narration suivant l’ordre des temps, ajoute

CHAPITRE XXIV. TEMPÊTE APAISÉE. – DÉMONIAQUES DÉLIVRÉS.

55. « Jésus entra dans la barque, suivi de ses disciples. Et aussitôt s’éleva sur la mer une grande tempête ; » et le reste, jusqu’à l’endroit où il est dit que « Jésus repassa le lac et vint dans sa ville. » Les deux faits que saint Matthieu raconte à la suite l’un de l’autre, le miracle de la tempête apaisée tout-à-coup sur l’ordre de Jésus éveillé par les disciples, et la délivrance de ces hommes que ; possédait un démon cruel, qui brisaient leurs liens et fuyaient au désert, se trouvent racontés semblablement dans saint Marc et dans saint Luc[3]. Quelques pensées sont rendues en termes différents, mais elles ne laissent pas d’être les mêmes. Ainsi quand saint Matthieu rapporte que le Seigneur dit aux disciples : « Pourquoi craignez-vous, hommes de peu de foi ? » nous lisons dans saint Luc : « Où est votre foi ? » et dans saint Marc : « Pourquoi craignez-vous ? n’avez-vous pas encore la foi ? » cette foi parfaite, semblable au grain de sénevé ? C’est une autre manière de dire : « Hommes de peu de foi. » Du reste le Seigneur put bien prononcer toutes ces paroles : « Pourquoi craignez-vous ? Où est votre foi ? Hommes de peu de foi ; » et alors chacun des trois évangélistes en rapporte ce que nous voyons dans son récit. Quant aux disciples qui éveillaient le divin Maître, saint Matthieu les fait ainsi parler : « Seigneur, sauvez-nous ; nous périssions ; » et saint Marc : « Maître, n’avez-vous point souci que nous périssions ? » et saint Luc : « Maître, nous périssons. » C’est encore ici une seule et même pensée ; c’est le cri d’hommes qui éveillent le Seigneur et qui veulent être sauvés. Il est inutile de rechercher quelle leçon doit être préférée comme reproduction littérale du langage des disciples. Que ce soit en effet l’une ou l’autre, ou bien que ce ne soit ni l’une ni l’autre, mais des paroles équivalentes pour le sens et qu’aucun évangéliste n’a citées, cela peut-il nuire à la vérité des récits ? D’ailleurs il est encore permis de supposer que, venant tous ensemble éveiller Jésus, les uns lui dirent : Seigneur, sauvez-nous, nous périssons », d’autres : « N’avez-vous point souci que nous périssions ? » d’autres enfin : « Maître, nous

  1. Mat. 8, 19-22
  2. Luc. 9, 67 ; 10, 1
  3. Mat. 8, 23-34 ; Mrc. 4, 36 ; 5, 17 ; Luc. 8, 23-37