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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/191

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en marchant sur les eaux, et après avoir parlé de son arrivée à l’autre bord, il rapporte un entretien long et véritablement divin, dont le récent miracle des pains fournit l’occasion, puis il porte son vol de différents côtés[1]. Cependant, si différente qu’elle soit, sa marche ne contredit point l’ordre indiqué par saint Marc et saint Matthieu. Quelle difficulté de comprendre que le Sauveur guérit les malades dont parlent ces deux Évangélistes et qu’il adresse au peuple venu à sa suite sur l’autre bord les discours reproduits par saint Jean, puisque la ville de Capharnaüm, vers laquelle naviguaient les disciples, selon le texte du même saint Jean, est tout proche du lac de Génésareth, sur les bords duquel ils débarquèrent, d’après saint Matthieu ?

CHAPITRE XLIX. LA CHANANÉENNE.

103. Après avoir rapporté le discours où Notre-Seigneur répond aux Pharisiens sur le reproche de ne se pas laver les mains avant le repas, saint Matthieu continuant à suivre dans son récit l’ordre des faits, comme la transition l’indique, reprend de cette manière : « Jésus, étant parti de ce lieu-là, se retira du côté de Tyr et de Sidon. Or, une femme Chananéenne, qui était sortie de ce pays, s’écria : Seigneur, Fils de David, ayez pitié de moi ; ma fille est misérablement tourmentée par le démon. Mais il ne lui répondit pas un seul mot ; » et le reste, jusqu’à l’endroit où nous lisons : « O femme, ta foi est grande ; qu’il te soit fait comme tu le désires. Et sa fille fut guérie à l’heure même[2]. » Saint Marc rapporte ce trait sans une ombre de contradiction, et en suivant le même ordre. Toute la différence, c’est que d’après son récit, le Sauveur était entré dans une maison lorsque cette femme vint le prier pour sa fille[3]. On pourrait s’expliquer facilement que saint Matthieu n’ait rien dit de cette circonstance, tout en rapportant le même fait. Mais comme il nous apprend que les disciples disaient au Seigneur : « Renvoyez-la, car elle crie derrière nous ; » ne faut-il pas conclure que cette femme suivait Jésus sur le chemin en faisant entendre ses cris suppliants ? Comment alors était-ce dans une maison ? Il est vrai, saint Marc nous dit de la Chananéenne qu’elle entra où était Jésus, après avoir dit que lui-même était entré dans une maison. Mais le texte de saint Matthieu porte que Jésus » tout d’abord ne répondit pas un seul mot. » Ce qui donne à connaître une chose qui n’est rappelée ni par l’un ni par l’autre ; c’est que sans rompre son silence, Notre-Seigneur sortit de cette maison. Dès lors tout le reste se lie facilement dans les deux récits et n’offre plus la moindre opposition. Car saint Marc, en faisant répondre au Seigneur qu’il ne fallait pas jeter aux chiens le pain des enfants, laisse place aux particularités relevées par saint Matthieu, savoir, que les disciples intercèdent pour cette femme, que Jésus répondit n’avoir été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël, qu’elle-même vint près de lui, le suivit, l’adora et lui dit : « Seigneur, aidez-moi. » À partir de là, ce sont les mêmes circonstances dans les deux Évangélistes.

CHAPITRE L. MULTIPLICATION DES SEPT PAINS.

104. Saint Matthieu reprend ainsi : « Jésus étant sorti de là, vint près de la mer de Galilée ; puis ayant gagné le haut d’une montagne il s’y assit. Or de grandes troupes de peuple vinrent le trouver, amenant des muets, des aveugles, des boiteux, des estropiés et beaucoup d’autres malades, qui furent mis aux pieds de Jésus ; et il les guérit. De sorte que tout le monde était dans l’admiration en voyant que les muets parlaient, que les boiteux marchaient, que les aveugles avaient recouvré la vue ; et tous rendaient gloire au Dieu d’Israël. Mais Jésus ayant appelé ses disciples leur dit : J’ai compassion de ce peuple, « parce que déjà depuis trois jours il demeure avec moi et n’a rien à manger ; » et le reste, jusqu’à l’endroit où nous lisons : « Or le nombre de ceux qui mangèrent était de quatre mille hommes, sans compter ni les petits enfants ni les femmes[4]. » Ce nouveau miracle d’une foule nombreuse nourrie avec sept pains et quelques poissons, saint Marc le rappelle aussi, et à-peu-près dans le même ordre ; seulement il en fait précéder le récit d’une action dont nul autre que lui ne dit rien ; c’est la guérison du

  1. Jn. 6, 22-72
  2. Mat. 15, 21-28
  3. Mrc. 7, 24-30
  4. Mat. 15, 29-38