Aller au contenu

Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Moïse qui avait ordonné l’acte de répudiation, afin de surprendre Jésus lorsqu’il condamnerait la séparation des époux : voilà ce qu’ils se proposent quand ils s’approchent de lui pour le tenter. Cette intention est si nettement exprimée en saint Matthieu, qu’il ne dit rien de la question qui leur est faite, mais ils provoquent eux-mêmes une explication sur la permission donnée par Moïse afin de pouvoir accuser le Seigneur lorsqu’il condamnera la séparation des époux. Puisque les expressions, dans chaque évangéliste, rendent exactement la pensée des interlocuteurs, et elles ne doivent tendre qu’à ce but, il est de nulle importance que l’ordre dans les différents récits ne soit point le même, puisque ni l’un ni l’autre ne s’écarte de la vérité.

122. Ou peut aussi expliquer ce passage de la manière suivante : après avoir été questionné sur le renvoi de la femme, comme saint Marc le raconte, le Seigneur de son côté leur demande ce qu’a ordonné Moïse. Quand ils ont répondu que Moïse a permis de donner l’acte de répudiation et de la renvoyer, alors il s’appuie sur la Loi donnée par Moïse pour expliquer comment Dieu institua le mariage de l’homme et de la femme ; il dit alors ce qui est écrit en saint Matthieu : « N’avez-vous pas lu que celui qui fit l’homme au commencement les fit mâle et femelle ? », etc. À ces mots ils insistent de nouveau sur ce qu’ils ont répondu à sa première question : « Pourquoi donc, disent-ils, Moïse a-t-il ordonné de lui donner l’acte de répudiation et de la renvoyer ? » Jésus alors en découvre la cause dans la dureté de leur cœur. Saint Marc, pour abréger, exprime d’abord cette idée comme si elle eût été donnée immédiatement après leur première réponse, que saint Matthieu a divisée ; et il ne jugeait point que la vérité dût souffrir, quelle que fût la place qu’occuperait cette raison, puisque les paroles qui la provoquaient étaient répétées et que d’ailleurs le Sauveur l’avait exprimée en termes formels.

CHAPITRE LXIII. IMPOSITION DES MAINS AUX PETITS ENFANTS. – CONSEIL DONNÉ AU JEUNE HOMME RICHE. – OUVRIERS DE LA VIGNE.

123. Saint Matthieu continué : « Alors on lui présenta de petits enfants pour qu’il leur imposât les mains et priât. Orles disciples les repoussaient », etc, jusqu’à ces paroles : « Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus[1]. Saint Marc a gardé le même ordre[2] que saint Matthieu ; mais ce dernier seul fait mention des ouvriers loués pour la vigne. Saint Luc, après avoir rapporté la réponse faite par Jésus à ses disciples lorsqu’ils cherchaient à savoir quel était le plus grand d’entre eux, parle de celui qu’on avait vu chassant les démons sans être à la suite de Jésus. Désormais il s’écarte des deux autres Évangélistes à l’endroit où il dit que le Sauveur avait fixé son visage pour aller à Jérusalem[3]. Longtemps après, il s’en rapproche pour parler de ce riche à qui il fut dit : « Vends tout ce que tu possèdes[4]. » Les deux autres en parlent également et dans le même ordre, qu’ils observent désormais ; car saint Luc fait paraître comme eux les petits enfants avant de parler du riche. Quand ce dernier demande quel bien il doit accomplir pour posséder la vie éternelle, on pourrait constater une différence entre ce qui est dit en saint Matthieu : « Pourquoi m’interroges-tu sur ce qui est bon » ? et ce que les autres ont écrit : « Pourquoi m’appelles-tu bon ? » Car ces mots : « Pourquoi m’interroges-tu sur ce qui est bon ? » paraissent mieux répondre à cette question qui est faite à Jésus : « Que ferai-je de bon ? » puisque dans cette question se trouve le terme de bon. Mais ces mots : « Bon maître », n’annoncent par eux-mêmes aucune interrogation. Le plus simple est donc de croire que le Sauveur a dit tout à la fois : « Pourquoi m’appelles-tu bon ? » et : « Pourquoi m’interroges-tu sur ce qui est bon ? »


CHAPITRE LXIV. PRÉDICTION DE LA PASSION. – LA MÈRE DES FILS DE ZÉBÉDÉE.

124. Saint Matthieu continue ainsi : « Or Jésus montant à Jérusalem prit à part les douze disciples et leur dit : Voilà que nous montons à Jérusalem, et le Fils de l’homme sera livré aux princes des prêtres et aux Scribes, et ils le condamneront à mort, et ils le livreront aux Gentils, pour être moqué, et flagellé, et crucifié ; et le troisième jour il ressuscitera. Alors la mère des fils de Zébédée s’approcha de lui avec ses fils, l’adorant et lui demandant quelque chose, et le reste, jusqu’à ces mots : « Comme le fils de l’homme n’est point venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie pour la rédemption

  1. Mat. 19, 13 ; 20, 16
  2. Mrc. 10, 13-31
  3. Luc. 9, 46-51
  4. Luc. 18, 18-30