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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/213

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Lors donc qu’après avoir donné le calice le Seigneur eut dit, comme le rapporte saint Luc Cependant voici que la main de celui qui me trahit est avec moi sur cette table, etc », il faut ajouter immédiatement ces paroles de saint Jean : « Cependant un des disciples était penché sur le sein de Jésus ; c’était celui que Jésus aimait. Simon Pierre lui fit signe et lui dit : De qui veut-il donc parler ? Ce disciple, étant penché sur le sein de Jésus, lui dit : Seigneur, qui est-ce ? Jésus lui répondit : C’est celui à qui je présenterai le pain que j’aurai trempé. Et quand il eut trempé le pain, il le donna à Judas, fils de Simon Iscarioth. Et après qu’il eut pris une bouchée, Satan entra en lui. »

4. Il semble que ces dernières paroles sont en contradiction avec celles de saint Luc, qui nous dit, que Satan entra dans le cœur de Judas, quand il conclut son pacte avec les Juifs et s’engagea à leur livrer son maître pour de l’argent, Il y a plus, car dans ces mêmes paroles saint Jean semble se mettre en contradiction avec lui-même. En effet, quelques versets plus haut, avant que Judas eut pris ce pain qui lui était présenté, saint Jean avait déjà dit de lui : « Et le repas étant fini, quand déjà le démon s’était emparé du cœur de Judas pour le porter à livrer son maître. » Comment, en effet, le démon entre-t-il dans le cœur des méchants, si ce n’est en les remplissant de desseins et de pensées criminelles ? Pour concilier ces deux passages, il suffit de dire que cette seconde fois Judas fut complètement possédé du démon. N’est-il pas vrai, de même que, après avoir reçu le Saint-Esprit à la suite de la résurrection, quand le Sauveur souffla sur eux en leur disant : « Recevez le Saint-Esprit[1] », les Apôtres plus tard le reçurent de nouveau le jour de la Pentecôte, dans toute sa plénitude ? Donc après le repas, Satan entre en Judas et, suivant le texte de saint Jean, Jésus lui dit : « Ce que tu fais ; fais-le au plus tôt, : Mais aucun de ceux qui étaient à table ne comprit pourquoi il lui avait ainsi parlé. Parce que Judas portait la bourse, quelques-uns pensèrent que par ces paroles Jésus avait voulu lui dire : Achète ce dont nous avons besoin pour le jour de la fête, ou bien qu’il lui commandait de distribuer quelque chose aux pauvres. Pour Judas, il sortit aussitôt qu’il eut pris ce morceau, mais alors il faisait nuit. Et quand il fut sorti, Jésus leur dit : Voici que le Fils de l’homme va être glorifié et Dieu a été glorifié en lui. Et si Dieu a été glorifié en lui, Dieu le glorifiera aussi en lui-même, et c’est de suite qu’il va le glorifier. »

CHAPITRE II. PRÉDICTION DU RENIEMENT DE SAINT PIERRE.

5. « Mes chers petits enfants, je ne suis plus que pour peu de temps avec vous. Vous me chercherez ; et comme je l’ai dit aux Juifs, vous ne pouvez venir où je vais. Je vous fais un commandement nouveau, c’est que vous vous aimiez réciproquement, et qu’ainsi que je vous ai aimés, vous vous aimiez les uns les autres. Simon Pierre lui dit : Seigneur, où allez-vous ? Jésus lui répondit : Là où je vais, tu ne peux venir maintenant, mais tu y viendras plus tard. Pierre ajouta : Pourquoi ne pourrais-je vous suivre maintenant ? je donnerai ma vie pour vous. Jésus lui répondit : Tu donneras ta vie pour moi ? En vérité, en vérité je te le dis, le coq n’aura pas encore chanté que tu m’auras renié trois fois[2]. » Cette prédiction du reniement de saint Pierre, formulée par saint Jean dans les termes que je viens de rapporter, est aussi mentionnée par les trois autres évangélistes[3]. Il faut reconnaître, cependant, que dans tous ces auteurs, cette prédiction n’est pas faite dans la même circonstance. Ainsi, saint Matthieu et saint Marc qui se suivent ici absolument, ne font mention de cette prophétie que quand le Sauveur fut sorti du cénacle même. Mais on peut facilement tout concilier en supposant que saint Matthieu et saint Marc ne font que récapituler ce qui s’était dit précédemment. Ne pourrait-on pas supposer aussi, en voyant les protestations de Pierre précédées de paroles et de réflexions si diverses faites par le Sauveur, que frappé des prédictions de son maître, Pierre lui attesta, par trois fois différentes, qu’il était disposé à donner sa vie pour lui ou avec lui, et qu’à chacune de ses attestations présomptueuses, le Sauveur lui répondit, qu’avant le chant du coq il aurait trois fois renié son maître ?

6. En effet tout porte à croire que dans trois moments différents, quoique peu séparés, Pierre fut victime de la présomption comme il devait par trois fois différentes, renier Jésus-Christ, et que, trois fois il reçut du Seigneur une réponse

  1. Jn. 20, 22
  2. Jn. 13, 33-38
  3. Mat. 26, 30-35 ; Mrc. 14, 26-31 ; Luc. 22, 21-34