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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/222

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pourquoi à cette seconde question il n’y avait pas seulement la servante dont parlent saint Matthieu et saint Marc, mais encore un autre accusateur signalé par saint Luc. Saint Jean écrit de même : « Ils lui dirent. » On peut donc admettre que ce fut après le départ de saint Pierre, que la servante dit à ceux qui étaient avec elle dans la cour : « Celui-ci est un des disciples », parole qui fit rentrer saint Pierre pour se justifier de l’accusation portée contre lui ; mais il est plus vraisemblable de penser qu’il n’entendit pas ce que l’on disait et que ce ne fut qu’après son retour, qu’une servante et une autre assistant, dont parle saint Luc, lui dirent : « N’es-tu pas un de ses disciples ? Non, répondit-il ; » l’autre insista plus fortement et lui dit : « Mais tu es un d’entre eux. O homme, je n’en suis pas, répliqua Pierre. » Quoi qu’il en soit ; il est un point qui résulte clairement du contexte des Évangiles, c’est que ce ne fut pas en dehors de la cour, mais dans l’intérieur, et auprès du feu, que Pierre formula sa seconde négation. Si donc saint Matthieu et saint Marc ont mentionné sa sortie, sans relater son retour, c’est uniquement pour éviter les longueurs.

25. Examinons maintenant la troisième négation que nous n’avons rapportée que d’après saint Matthieu. Voici le récit de saint Marc : « Peu de temps après, ceux qui étaient là, disaient à Pierre : Assurément tu es un des disciples, car tu es Galiléen. Et Pierre se prit à répéter, avec force anathèmes et serments : Je ne connais pas cet homme dont tu parles. Et aussitôt le coq chanta pour la seconde fois. » Saint Luc raconte : « Et après une heure environ d’intervalle, un autre affirmait et disait : Assurément tu es son disciple, car tu es Galiléen. O homme, répondit Pierre, je ne sais ce que tu dis. Et il parlait encore quand le coq chanta. » Saint Jean s’explique ainsi, sur cette troisième négation : « Un des serviteurs du grand-prêtre, et parent de celui à qui Pierre avait coupé l’oreille, lui dit : Est-ce que je ne t’ai pas vu dans le jardin avec lui ? Pierre nia de nouveau et aussitôt le coq chanta. » Saint Matthieu et saint Luc se contentent de dire : « Peu de temps après ; » saint Luc mesure cet intervalle en disant qu’il fut d’une heure à peu près. Saint Jean n’en dit rien. De même saint Matthieu et saint Marc supposent que la troisième interrogation fut faite par plusieurs personnes ; saint Luc n’énonce qu’un interrogateur, et saint Jean le désigne, en disant qu’il était parent de celui à qui Pierre coupa l’oreille. Or, cette apparente diversité s’explique facilement, ou en admettant que saint Matthieu et saint Marc ont suivi l’usage, assez général, de prendre le pluriel pour le singulier ; ou en supposant que l’un des témoins, par ce qu’il avait vu et qu’il connaissait, commençait l’attaque à laquelle les autres prenaient part aussitôt ; deux évangélistes ont suivi la première voie, les autres ont voulu seulement signaler celui qui paraissait le plus ardent. Enfin saint Matthieu affirme qu’il fut dit à Pierre : « Assurément tu es un des disciples, car ton langage te fait connaître ; » saint Jean assure qu’il fut dit à Pierre : « Est-ce que je ne t’ai pas vu dans le jardin avec lui ? » Saint Marc raconte que les assistants se disaient : « Il est vraiment un d’entre eux, car il est aussi Galiléen ; » de même, saint Luc nous représente un Juif disant, non pas à Pierre, mais de lui : « Un autre affirmait et disait : Assurément il était avec lui, car il est Galiléen. » Cela nous fait entendre qu’on s’est attaché à la pensée seulement en rapportant que Pierre avait été apostrophé ; en effet quand on parlait de lui, et devant lui, c’était comme si on se fût adressé à lui-même. On peut dire également que ses accusateurs tantôt s’adressaient à lui directement, tantôt échangeaient entre eux leurs accusations. Chacune des deux interprétations peut être admise. Quant au chant du coq qui suivit le troisième reniement, saint Marc nous dit expressément que c’était la seconde fois qu’il se faisait entendre.

26. Saint Matthieu poursuit ainsi : « Et Pierre se souvint de là parole que Jésus avait dite : Avant que le coq chante, tu me renieras trois fois ; et étant sorti il pleura amèrement. » Saint Marc écrit : « Pierre se souvint de la parole que Jésus avait dite : Avant que le coq chante deux fois, tu me renieras trois fois : et il commença à pleurer. » D’après saint Luc : « Le Seigneur s’étant retourné, regarda Pierre, et Pierre se souvint de la parole du Seigneur qui avait dit : Avant que le coq chante, tu me renieras trois fois ; et étant sorti, Pierre pleura amèrement. » Saint Jean ne dit rien ni du souvenir ni des larmes de Pierre. Mais ce qui mérite une attention particulière, ce sont ces paroles de saint Luc : « Et Jésus, s’étant retourné, regarda Pierre. » Quoiqu’il y ait aussi des cours intérieures, c’était dans la cour extérieure que Pierre était avec les Juifs alors occupés à se chauffer. Or, on ne peut pas supposer que Jésus