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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/261

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qu’il se proclamait l’égal de Dieu en disant : Mon Père agit toujours, il en est de même de moi. » De là, en effet, il fallait conclure que le Fils fait ce que fait le Père ; car le Père n’agit pas sans le Fils. Malgré l’exaspération de ses persécuteurs, il leur dit au même moment et leur répète un peu après : « Tout ce que fait le Père, le Fils le fait également[1]. »

15. Saint Jean quitte enfin ces hautes sphères de la Divinité pour descendre un instant sur la terre avec les autres Évangélistes, à l’occasion de la multiplication des cinq pains pour cinq mille personnes. Et encore il est seul à nous apprendre que ces hommes voulant proclamer Jésus Roi, il s’enfuit seul sur la montagne. Je crois que, par cette conduite, le Sauveur a voulu nous montrer que s’il veut régner sur notre esprit et sur notre raison, c’est parce qu’il a pour séjour les hautes régions du ciel, où il n’a avec les hommes aucune communauté de nature ; où il est seul, parce qu’il est le Fils unique du Père. Ce mystère à cause de sa sublimité même échappe aux hommes charnels qui rampent sur la terre ; voilà pourquoi Jésus fuit sur la montagne pour se soustraire à ceux qui n’aspiraient qu’à un royaume de la terre ; du reste il dit ailleurs : « Mon royaume n’est pas de ce monde[2] ;» et si nous ne trouvons ces détails que dans l’Évangile de saint Jean, c’est que dans son vol sublime il s’élève bien au-dessus de la terre, et fixe avec bonheur la lumière du soleil de justice. Après le miracle de la multiplication des pains, Jésus demeura quelque temps sur la montagne avec ses trois apôtres, puis ses disciples repassèrent la mer et Jésus se réunit à eux. C’est alors que l’Évangéliste s’élance de nouveau vers les paroles sublimes et divines, vers le long et incomparable discours que le Sauveur prononça à l’occasion de la multiplication des pains, après avoir dit à la foule : « En vérité, en vérité je vous le déclare, vous me cherchez, non parce que vous avez été témoins de miracles, mais parce que vous avez été nourris et rassasiés de pain ; travaillez donc, non pas pour le pain qui périt, mais pour celui qui demeure jusqu’à la vie éternelle. » Il se maintient longtemps à cette prodigieuse hauteur d’idées. Mais de cette élévation tombèrent bientôt les malheureux qui ne continuèrent pas à le suivre ; tandis que restèrent avec lui ceux qui purent saisir la portée de cette parole : « C’est l’esprit qui vivifie, la chair ne sert à rien[3] ; » en effet, l’esprit sert parla chair, il sert aussi par lui-même ; mais la chair ne sert à rien sans l’esprit.

16. Les frères de Jésus, c’est-à-dire ses parents selon la chair, lui conseillant ensuite de se rendre à la fête de Pâques afin de se manifester à la multitude ; quelle sublime réponse il leur fait ! Mon heure n’est point encore venue, dit-il, tandis que la vôtre est toujours prête. Le monde ne peut vous haïr, mais moi il me hait parce que je rends de lui ce témoignage, que ses œuvres sont mauvaises. » En d’autres termes : « Votre heure est toujours prête », parce que vous désirez ce jour dont le prophète a dit : « Je n’ai pas souffert à votre suite, Seigneur, et je n’ai pas désiré le jour de l’homme : vous le savez[4]. » Ah ! c’est voler vers la lumière du Verbe, et désirer le jour après lequel Abraham soupirait, le jour qu’il a vu et qui l’a rempli de joie[5]. Cependant Jésus s’étant rendu à la solennité, quelles paroles admirables, divines et profondes saint Jean nous rapporte de lui ! Les Juifs ne peuvent venir là où il ira ; ils le connaissent et ils savent d’où il est ; celui qui l’a envoyé est la vérité même et ils l’ignorent ; comme s’il leur eût dit : vous savez d’où je suis et vous ne savez pas d’où je suis. Qu’est-ce à dire encore, sinon qu’ils savaient d’où il était quant à son corps, quant à sa famille et à sa patrie ; mais quant à sa divinité, le savaient-ils ? En parlant aussi, dans la même circonstance, du don de l’Esprit-Saint, il révèle ce qu’il est, puisqu’il peut accorder ce Don au-dessus de tout don[6].

17. Jésus quittait le mont des Oliviers, il venait de pardonner à la femme adultère qui lui avait été présentée par de perfides ennemis afin qu’il la fît lapider. Alors encore quelles paroles ne lui prête pas saint Jean ! Il nous montre comment de son doigt il écrivait sur la terre, comme pour faire comprendre à ses ennemis que c’était seulement sur la terre et non dans le ciel que leurs noms devaient être écrits ; tandis que ses disciples devaient se réjouir devoir les leurs gravés sur le livre ale la vie éternelle[7] ; ou bien, en s’inclinant et en, baissant la tête, il annonçait qu’il ferait des prodiges sur la terre ; ou bien encore il proclamait qu’il était temps que sa toi fût écrite, non pas comme autrefois sur une pierre

  1. Jn. 5
  2. Id. 18, 26
  3. Jn. 6
  4. Jer. 17, 16
  5. Jn. 8, 86
  6. Id. 7
  7. Luc. 10, 20