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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/271

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obscurcit et voile la lumière de la bonne doctrine sous les avantages temporels, met la lampe sous le boisseau. « Mais sur le chandelier. » Ce qui a lieu quand on assujettit son corps au service de Dieu, en sorte que la prédication de la vérité ait le dessus et l’esclavage du corps le dessous ; et que cependant ce même esclavage du corps fasse briller la doctrine, laquelle s’insinue dans l’esprit des auditeurs par la voix, par la langue, par les autres mouvements du corps qui contribuent aux bonnes œuvres. L’Apôtre met donc la lampe sur le chandelier, quand il dit : « Je ne combats pas comme frappant l’air ; mais je châtie mon corps et le réduis en servitude, de peur qu’après avoir prêché aux autres, je ne sois moi-même réprouvé[1]. » Dans ce qui suit : « Afin qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison » il faut, je pense, entendre par maison, le lieu que les hommes habitent, c’est-à-dire ce monde, dans le sens où il est dit plus haut : « Vous êtes la lumière du monde » à moins qu’on ne veuille y voir la figure de l’Église : ce qui n’est point déraisonnable.


CHAPITRE VII. LA GLOIRE DE DIEU, FIN DE TOUTES NOS ŒUVRES.

18. « Qu’ainsi votre lumière luise devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. » S’il eût seulement dit : « Qu’ainsi votre lumière luise devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres » il eût semblé donner pour but les louanges des hommes, que recherchent les hypocrites, et ceux qui ambitionnent les honneurs et poursuivent la plus vaine des gloires. C’est contre ceux-là qu’il est écrit : « Si je plaisais encore aux hommes, je ne serais point serviteur du Christ[2] » et par le prophète : « Ceux qui plaisent aux hommes ont été confondus, parce que Dieu les a réduits à rien » et encore : « Dieu a brisé les os de ceux qui plaisent aux hommes[3] » et par Paul : « Ne devenons pas avides d’une vaine gloire[4] » et par ce même Paul : « Or que chacun s’éprouve, et alors il trouvera sa gloire en lui-même et non dans un autre[5]. » Le Sauveur ne s’est donc pas contenté de dire : « Afin qu’ils voient vos bonnes œuvres » mais il a ajouté : « Et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux » afin que, tout en obtenant les suffrages de ses semblables par ses bonnes œuvres, l’homme cependant ne place pas là son but final, mais rapporte tout à Dieu et ne cherche dans l’approbation des hommes que la gloire de Dieu. Car c’est l’avantage même des ceux qui décernent des éloges, de les rapporter à Dieu et non à l’homme ; comme le Seigneur le fit voir à l’occasion de celui que l’on portait, de ce paralytique qu’il guérit et dans lequel la foule admirait sa puissance, comme il est écrit : « Et la multitude fut saisie de crainte et rendit gloire à Dieu, qui a donné une telle puissance aux hommes[6]. Paul, l’imitateur du Christ, nous dit aussi : « Seulement elles (les églises) avaient ouï dire : Celui qui autrefois nous persécutait annonce maintenant la foi qu’il s’efforçait alors de détruire ; et elles glorifiaient Dieu à mon sujet[7]. »


CHAPITRE VIII. DEUX MANIÈRES D’ACCOMPLIR LA LOI. — ÊTRE TRÈS PETIT DANS LE ROYAUME DES CIEUX.

19. Après avoir ainsi exhorté ses auditeurs à se préparer à tout souffrir pour la vérité et la justice et à ne point cacher les biens qu’ils devaient recevoir, mais à s’instruire dans l’intention bienveillante d’enseigner les autres, en rapportant toutes leurs bonnes œuvres, non à leur propre gloire, mais à celle de Dieu : après cela, dis-je, le Seigneur commence à les éclairer et à leur apprendre ce qu’ils doivent enseigner ; c’est comme s’ils lui eussent demandé : Nous sommes prêts à tout souffrir pour votre nom, à ne point cacher votre doctrine : mais quelle est donc cette doctrine que vous nous défendez de cacher, et pour laquelle vous nous ordonnez de tout souffrir ? Allez-vous donc contredire ce qui est écrit dans la loi ? Non, leur répond-il : « Ne pensez pas que je dois abolir la Loi et les prophètes ; je ne suis pas venu les abolir, mais les accomplir. »

20. Cette sentence renferme deux sens, qu’il faut expliquer chacun en particulier. Celui qui dit : « Je ne suis pas venu pour abolir la loi, mais l’accomplir » entend ou qu’il ajoutera à la Loi ce qui lui manque, ou qu’il accomplira ce qu’elle renferme. Parlons d’abord de la première supposition. Celui qui supplée au défaut de quelque chose, ne détruit point ce qu’il trouve, mais l’affermit en le perfectionnant. Voilà pourquoi le

  1. 1Co. 9, 26-27
  2. Gal. 1, 10
  3. Psa. 52, 6
  4. Gal. 5,26
  5. Ib. 6, 4
  6. Mat. 2, 6
  7. Gal. 1, 23-24