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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/323

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de brebis ; mais quand une erreur coupable en est la source, cela ne couvre pas autre chose que des loups. Cependant les brebis ne doivent pas répudier leurs vêtements, parce que le plus souvent les loups s’en servent pour se cacher.
81. C’est donc l’Apôtre qui nous dira à quels fruits nous reconnaîtrons l’arbre mauvais : « On connaît aisément les œuvres de la chair, qui sont : les fornications, les impuretés, la luxure, le culte des idoles, les empoisonnements, les inimitiés, les contestations, les jalousies, les colères, les dissensions, les hérésies, les sectes, les envies, les ivrogneries, les débauches de table, et « autres choses semblables ; je vous le dis, comme je vous l’ai déjà dit : ceux qui font de telles choses n’obtiendront point le royaume de Dieu. » Le même Apôtre nous dit ensuite à quels fruits nous connaîtrons qu’un arbre est bon : « Au contraire les fruits de l’Esprit sont : la charité, la joie, la paix, la longanimité, la bienveillance, la bonté, la foi, la mansuétude, la continence[1]. » Il faut savoir que le mot joie est pris ici dans son sens propre ; car à la rigueur les méchants ne peuvent goûter la joie, mais seulement s’étourdir ; comme nous avons dit plus haut que le mot volonté a aussi son sens propre qui ne saurait s’appliquer aux méchants dans la pensée de ce texte : « Tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le leur aussi. » Le prophète donne encore la même signification au mot j oie, et suppose qu’elle n’existe que chez les bons, quand il dit : « Il n’y a pas de joie pour les impies, dit le Seigneur[2]. » Il en est de même de la foi, qui strictement ne s’entend pas d’une foi quelconque, mais de la véritable foi. Tout cela ne peut avoir son simulacre chez les hommes méchants et imposteurs, au point de tromper celui qui n’a pas encore l’œil simple pour tout démêler. Il était donc tout à fait dans l’ordre de parler d’abord de la nécessité de purifier l’œil, et de dire ensuite contre quoi il faut se tenir en garde.

CHAPITRE XXV. NÉCESSITÉ DE PRATIQUER.

82. Mais comme, même avec un œil pur, c’est-à-dire avec un cœur simple et sincère, on ne peut lire dans le cœur d’un autre, ce sont les tentations qui mettent au jour ce que les actes ou les paroles laissent ignorer. Or il y a deux espèces de tentations : ou l’espoir d’acquérir quelque avantage temporel, ou la crainte de le perdre. Il faut bien prendre garde, tout en cherchant la sagesse qui ne se trouve que dans le Christ en qui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science[3], il faut bien prendre garde à ne pas nous laisser tromper, sous le nom du Christ, par des hérétiques ou par des gens peu éclairés et partisans de ce siècle. Voilà pourquoi le Seigneur continue et nous dit : « Ce ne sont pas tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le royaume des cieux ; mais celui qui fait la volonté de mon Père, celui-là entrera dans le royaume des cieux. » Par là nous sommes avertis de ne pas nous imaginer qu’il suffise de dire : « Seigneur, Seigneur » pour être un arbre bon et porter de bons fruits. Les bons fruits consistent à faire la volonté du Père qui est dans les cieux, selon l’exemple que le Seigneur lui-même nous en a donné dans sa personne.
83. On pourrait être embarrassé d’arranger ce passage avec cet autre de l’Apôtre : « Personne parlant dans l’Esprit de Dieu, ne dit anathème à Jésus ; et personne ne peut dire Seigneur Jésus, que par l’Esprit-Saint[4]. » En effet, d’une part, nous ne pouvons dire que des hommes ayant l’Esprit-Saint n’entreront pas dans le royaume des cieux, s’ils persévèrent jusqu’à la fin ; et, de l’autre, nous ne pouvons affirmer que ceux qui disent Seigneur, Seigneur » et n’entrent pas dans le royaume des cieux, ont l’Esprit-Saint. Que signifient donc ces paroles : « dire Seigneur Jésus », sinon que, sous ce mot dire, l’Apôtre sous-entend la volonté et l’intelligence de celui qui parle ? De son côté le Seigneur a dit cri général : « Ce ne sont pas tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le royaume des cieux. » Car celui qui ne veut pas ou ne comprend pas ce qu’il dit, a cependant l’air de dire ; mais celui-là seul dit réellement qui exprime sa volonté et sa pensée par le son de sa voix. C’est ainsi que, plus haut, dans l’énumération des fruits du Saint-Esprit, le mot joie, est pris dans son sens propre, et non dans celui où l’Apôtre l’emploie quand il dit : « Elle (la charité) ne se réjouit point de l’iniquité[5]. » Comme si on pouvait se réjouir de l’iniquité ! Comme si ce

  1. Gal. 5, 19-23
  2. Is. 57, 91 \ft selon les Sept.
  3. 3
  4. 1 Cor. 12, 8
  5. Ib. 13, 6