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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/387

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EXPLICATION COMMENCÉE
DE L’ÉPÎTRE AUX ROMAINS.


EXPLICATION DE LA SALUTATION, CONTROVERSE SUR LE PÉCHÉ CONTRE LE SAINT-ESPRIT.

1. But de l’Épître. — Dans l’Épître qu’il a écrite aux Romains, l’Apôtre saint Paul, autant qu’on peut en juger par le texte même, traite cette question, savoir : l’Évangile de Notre-Seigneur Jésus-Christ a-t-il été annoncé aux Juifs seuls, en récompense de leurs œuvres légales ; ou bien, la justification de la foi, qui émane de Jésus-Christ, a-t-elle été au contraire offerte à tous les Gentils, sans aucun mérite de leurs œuvres précédentes ? Et la foi, au lieu d’être la récompense des vertus, n’est-elle pas le principe de la justification et le commencement de la vie juste qu’on doit mener ensuite ? Ainsi l’Apôtre a pour but de montrer que le bienfait de l’Évangile de Notre-Seigneur Jésus-Christ est offert à tous les hommes. Il prouve aussi que cet Évangile doit être appelé un bienfait, parce qu’il n’a pas été payé comme une dette de justice mais donné gratuitement.

Beaucoup de Juifs, qui avaient reçu la foi, commençaient dès lors à s’élever contre l’Apôtre saint Paul, sous prétexte que celui-ci faisait participer au bienfait de l’Évangile des hommes qui n’ayant pas été circoncis, n’avaient point porté les liens de l’ancienne Loi, et que, sans les assujettir aucunement au joug de la circoncision charnelle, il les exhortait seulement à croire en Jésus-Christ. Mais l’écrivain sacré use de tant de modération, qu’il ne permet pas aux Juifs de tirer vanité du mérite de leurs œuvres légales ; ni aux Gentils de s’enorgueillir contre les Juifs, du mérite de leur foi personnelle, sous prétexte qu’ils avaient reçu eux-mêmes le Christ que les Juifs avaient crucifié. Ainsi donc, comme il le dit en un autre endroit, faisant les fonctions d’ambassadeur pour le Seigneur lui-même[1], c’est-à-dire pour celui qui est la pierre angulaire[2], il réunit dans la personne de Jésus-Christ et par les liens de la grâce, le peuple Juif et le peuple des Gentils ; et après avoir interdit aux uns et aux autres de se glorifier de leurs mérites, il les associe pour être ensemble justifiés par la pratique de l’humilité.

2. L’Église et la Synagogue. — Il commence donc son Epître en ces termes : « Paul, serviteur de Jésus-Christ, appelé à l’apostolat, séparé du troupeau pour l’Évangile de Dieu[3]. » Il établit ainsi brièvement et en deux mots une distinction entre la dignité de l’Église et l’ancienne Synagogue. Car l’Église tire son nom du mot appeler, tandis que Synagogue veut dire attroupement. L’expression : être appelé, s’applique plutôt aux hommes et celle de : s’attrouper, s’applique plutôt aux animaux : de là vient que ordinairement et dans son sens propre le mot troupeau se dit des animaux. Aussi, quoique, dans les saintes Écritures, l’Église elle-même soit très souvent nommée le troupeau de Dieu, et le bercail de Dieu, cependant les hommes qui y sont, par comparaison, appelés troupeau, appartiennent à la vie ancienne. On voit par là que l’éternelle vérité n’est pas leur aliment, et que les promesses temporelles, comme une nourriture grossière, peuvent seules les satisfaire. « Paul, serviteur de Jésus-Christ, a donc été appelé à l’apostolat » et cette vocation l’a rendu membre de l’Église. De plus il a été séparé du troupeau pour l’Évangile de Dieu » mais de quel troupeau a-t-il été séparé, si ce n’est du troupeau de la Synagogue, en supposant que les expressions latines sont absolument conformes aux expressions grecques qu’elles traduisent.

3. Prophètes sacrés et profanes. — Saint Paul invoque ensuite l’autorité des Prophètes en faveur de l’Évangile pour lequel il a été, dit-il, séparé du troupeau. Après avoir préféré aux Juifs, dont il s’est déclaré lui-même séparé, ceux qui croient en Jésus-Christ et parmi lesquels il a été appelé, il veut en retour avertir les Gentils de ne pas s’enorgueillir pour cela. Car le peuple Juif a donné naissance à ces Prophètes qui ont promis longtemps auparavant, ainsi qu’il le déclare

  1. 2Co. 5, 20
  2. Eph. 2, 20
  3. Rom. 1, 1