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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/398

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d’avoir reçu le sacrement de Baptême. Le centurion Corneille reçut certainement cette connaissance au moment où saint Pierre l’instruisait, et avant son baptême le Saint-Esprit descendit sur lui, ainsi que des signes manifestes le témoignèrent ; bien qu’au lieu de dédaigner ensuite ce sacrement, il le reçut pour plus de sûreté, afin de trouver aussitôt dans les signes saints et sacrés, dont la vertu était déjà produite en lui, une connaissance parfaite de la vérité[1] ; tandis que beaucoup d’autres au contraire après avoir reçu le baptême, ne se mettent pas en peine de connaître la volonté de Dieu. Conséquemment nous ne pouvons, en aucune manière, dire ni croire que ceux qui, avant leur baptême et avec la connaissance de la volonté divine, ont commis des péchés, ne recevront pas, lorsqu’ils seront baptisés, la rémission de toutes leurs fautes quelles qu’elles soient. D’autant plus que la volonté divine, par rapport à l’amour de Dieu et du prochain, est enseignée en quelques mots aux croyants, puisque la Loi tout entière et tous les Prophètes sont renfermés dans ces deux commandements[2]. Notre-Seigneur lui-même nous recommande d’aimer le prochain, c’est-à-dire d’aimer tous les hommes sans excepter même nos ennemis[3]. Et cependant nous voyons une multitude de chrétiens qui, après leur baptême, reconnaissent bien la vérité de ces préceptes, et les vénèrent comme sortis de la bouche du Seigneur ; mais dès qu’ils ont à souffrir de la part de quelque ennemi, le désir de la vengeance les emporte tellement, le feu de la haine s’allume en eux avec tant d’ardeur, que ni le nom ni les paroles mêmes de l’Évangile ne peuvent les apaiser. Toutes les Églises sont remplies d’hommes semblables qui ont reçu le Baptême. Et néanmoins ceux qui sont spirituels ne cessent de les avertir d’une manière fraternelle, de les exciter avec un zèle infatigable et dans un esprit de douceur[4], à s’opposer et à résister à ces sortes de tentations et à désirer plutôt de régner dans la paix de Jésus-Christ que de se réjouir à la vue d’un ennemi accablé. Or, cette manière d’agir serait vaine, s’il ne restait plus à de semblables pécheurs aucune espérance de pardon, si la pénitence n’avait plus de remède pour eux. Que d’ailleurs on prenne garde, en pensant autrement, d’affirmer que David, ce patriarche comblé d’éloges et de louanges par Dieu qui l’avait choisi lui-même, ne connaissait pas la volonté de Dieu, quand épris d’amour pour la femme d’autrui, il tendit un piège au mari de cette femme et le fit périr : car après s’être condamné lui-même et avoir été condamné pour ce crime de la bouche d’un prophète, il obtient sa délivrance par l’humilité de son repentir et la confession de son péché. Toutefois il fut puni sévèrement[5] ; et son exemple suffit pour nous faire comprendre que le Seigneur n’avait pas en vue les peines éternelles, mais qu’il parlait seulement d’une sévérité plus grande de la part de la loi, quand il disait : « Celui qui connaît la volonté de son Seigneur et qui fait des choses dignes de châtiment, recevra un grand nombre de coups. »

19. Quel est le sacrifice refusé, d’après saint Paul, à ceux qui pèchent avec la connaissance de la vérité ? — Aussi bien ceux qui examinent plus sérieusement ce passage de l’Épître aux Hébreux, n’entendent pas du sacrifice d’un cœur brisé par le repentir, ces paroles : « Il ne reste plus désormais de sacrifice pour expier les péchés » ils les entendent du sacrifice dont l’Apôtre parlait précisément en cet endroit, c’est-à-dire de l’holocauste de la passion de Notre-Seigneur, que chacun offre pour ses propres péchés, lorsqu’il est consacré au Seigneur par sa foi à la passion, et lorsqu’il reçoit dans les eaux du baptême le nom des fidèles chrétiens. De là il suit que ces paroles de saint Paul signifient que l’on ne peut plus être de nouveau purifié parle baptême quand on a commis le péché après avoir été déjà baptisé. Or, cette interprétation laisse place à la pénitence : quoique assurément nous reconnaissions que ceux qui n’ont pas encore reçu le baptême, ne sont pas encore par là même parvenus à une entière connaissance de la vérité. Par conséquent tous ceux qui possèdent la connaissance de la vérité, doivent nécessairement avoir été déjà baptisés. Mais tous ceux qui ont reçu le baptême n’ont pas reçu pour cela la connaissance de la vérité, soit parce qu’on a voulu faire avancer des catéchumènes venus ensuite, soit par suite d’une négligence malheureuse. Et néanmoins, ce sacrifice dont parlait Saint Paul, c’est-à-dire l’holocauste du Seigneur, qui est d’une certaine manière offert pour chaque homme en particulier au moment où il est marqué de son nom en recevant le baptême, ne peut plus être offert pour lui s’il lui arrive de pécher encore. Car une fois baptisé on ne peut recevoir un second baptême lors même qu’après le premier on aurait commis le péché par ignorance de la vérité. Conséquemment, puisque sans le baptême nul ne saurait être avec

  1. Act. 10,1 ssq
  2. Mat. 22, 37-40
  3. Id. 5, 44
  4. Gal. 6, 1
  5. 2Sa. 11-12