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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome V.djvu/429

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à ce degré de perfection, on n’y parviendra néanmoins sous tous rapports qu’à la résurrection de la chair et à la transformation de nos organes.« Je vous déclare, dit l’Apôtre, comme je l’ai déjà fait, que ceux qui commettent ces désordres ne posséderont pas le royaume de Dieu » on peut ici se demander dans quelle circonstance il a fait cette déclaration, car il n’en est pas question dans cette Épître. Il l’a donc faite de vive voix, ou bien il savait que les Galates avaient reçu l’Épître adressée par lui aux Corinthiens. Il y dit en effet : « Ne vous abusez point : ni les fornicateurs, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les abominables, ni les voleurs, ni les avares, ni les ivrognes, ni les médisants, ni les rapaces, ne posséderont le royaume de Dieu[1]. »
49. Les œuvres de l’esprit[2]. — Il était naturel qu’après avoir rappelé ces œuvres de la chair, auxquelles est fermé le royaume de Dieu, il rappelât aussi les œuvres de l’esprit, qu’il nomme les fruits de l’esprit. « Au contraire, dit-il donc, les fruits de l’esprit sont : la charité, la joie, la paix, la patience, la bienveillance, la bonté, la foi, la mansuétude, la tempérance. » Il ajoute : « Contre de pareilles choses il n’y a point de loi ; » c’est pourrions faire comprendre que nous sommes sous la Loi, si ces vertus ne règnent pas en nous. Y règnent-elles ? Nous usons légitimement de la Loi, car la Loi n’est pas alors destinée à nous réprimer ; du reste la justice a pour nous des charmes meilleurs et plus puissants. Voici en effet ce que saint Paul écrit à Timothée : « Nous savons que la Loi est bonne, si on en use légitimement ; reconnais que la Loi n’est pas imposée au juste, mais que c’est aux injustes et aux insoumis, aux impies et aux pécheurs, aux scélérats et aux débauchés, aux assassins de père ou de mère, aux homicides, aux fornicateurs, aux sodomites, aux voleurs d’esclaves, aux menteurs, aux parjures et aux autres coupables que condamne la saine doctrine[3] ; » sous-entendez ici : que la Loi est imposée. Ainsi donc, les fruits de l’esprit règnent dans un homme, quand en lui ne règnent pas les péchés. Or ces fruits excellents y règnent quand ils charment assez pour retenir le cœur au moment des tentations et pour l’empêcher de tomber en consentant au péché. Il est nécessaire en effet que nous agissions conformément à ce qui nous charme le plus. Exemple : Voici devant quelqu’un l’image d’une belle femme, elle provoque des mouvements charnels ; mais si la beauté intime, si la pureté de la chasteté nous charme davantage, nous y conformons alors notre vie et nos œuvres, avec la grâce que donne la foi au Christ ; et le péché ne régnant plus en nous jusqu’à nous faire céder à ses impressions, la justice au contraire y exerçant son empire, nous faisons avec plaisir tout ce que nous savons être agréable à Dieu dans cette vertu. Ce que j’ai dit de la chasteté et du vice contraire, j’ai entendu qu’on l’applique à tous les autres cas.
50. Enumérations diverses. – On pourrait s’étonner de voir, soit que les œuvres de la chair ne figurent ici ni dans le même nombre ni dans le même ordre que présente l’Épître aux Corinthiens ; soit que les œuvres spirituelles opposées aux vices charnels soient moins nombreuses que ces derniers ; soit enfin qu’à chaque vice ne corresponde pas exactement la vertu contraire, comme à la fornication correspond la chasteté, la pureté à l’impureté. Mais l’Apôtre n’a pas entrepris de faire connaître le nombre, il a voulu plutôt indiquer la nature des vices à fuir et des vertus à rechercher. Aussi en se servant des termes de chair et d’esprit entendait-il nous porter à éviter le péché et le châtiment du péché pour nous attacher à la grâce du Seigneur et à sa justice ; il craignait qu’en abandonnant durant la vie cette grâce qui a déterminé le Seigneur à mourir pour nous, nous ne parvinssions pas à l’éternel repos où pour nous aussi vit le Seigneur ; et qu’en ne comprenant point la portée du châtiment temporel que le Seigneur a daigné souffrir, pour nous dompter, en, endurant la mort dans sa chair, nous ne vinssions à tomber au milieu des châtiments éternels préparés à l’orgueil qui continue ses révoltes contre Dieu. Voilà pourquoi, après avoir rappelé plusieurs des œuvres de la chair, il ajoute : « Et autres vices semblables ; » montrant assez, par ces paroles, qu’il n’a point voulu faire une énumération bien exacte, mais indiquer seulement et sans gène ce qui se présentait à lui. Il fait de même quand il est question des fruits de l’esprit ; il ne dit pas Contre ces choses, mais : « Contre de pareilles choses il n’y a pas de loi ; » en d’autres termes, il n’y en a ni contre ce que je viens de rappeler, ni contre les vertus semblables.
51. Rapports entre les vices de la chair et les fruits de l’Esprit dont parle saint Paul.— Néanmoins

  1. 1 Cor. 6, 9-10
  2. Gal. 5, 22, 23
  3. 1 Tim. 1, 8-10