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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/249

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Du travail des moines.


Les moines d’Afrique s’étaient divisés sur la question du travail prescrit par ces paroles de l’Apôtre : « Celui qui ne veut pas travailler ne doit pas manger ». La plupart y voyaient ce qu’y a vu l’illustre patriarche des moines d’Occident, saint Benoît : l’obligation du travail des mains. Quelques-uns voulaient, au contraire, entendre ce texte d’un travail purement spirituel, sans se croire même tenus aux labeurs de la prédication ; les seuls exercices de la vie monastique suffisant, disaient-ils, à titre de labeurs spirituels ; ainsi, d’ailleurs, prétendaient-ils observer plus littéralement le texte de l’Évangile : « Considérez les oiseaux du ciel, ils ne sèment point, etc. ; les lys des campagnes, ils ne filent point ».
Consulté par Aurèle, évêque de Carthage, saint Augustin démontre le sens des paroles de l’Apôtre, d’après le contexte d’abord ; puis, d’après de nombreux passages de ses autres Épitres, appuyés d’ailleurs de son exemple. Saint Paul a commandé et pratiqué le travail des mains, bien que ce commandement souffre exception en faveur des prédicateurs de l’Évangile. La comparaison des oiseaux et des lys ne défend que l’inquiétude au sujet du vivre et du vêtir, mais n’autorise pas la paresse. Il censure énergiquement certains moines fainéants et vagabonds, qui exploitaient la piété publique. Il rappelle à d’autres religieux, bien moins blâmables d’ailleurs, l’obligation de porter les cheveux rasés, et base cette obligation sur le précepte de saint Paul.

CHAPITRE PREMIER.

ARGUMENTS DES MOINES OPPOSANTS. — TEXTES DE l’Évangile et de saint paul sur le tr.-VAIL.

. II m’a fallu, saint frère Aurele, obtempérer d’autant plus religieusement à votre ordre, que j’ai vu plus clairement de qui il me venait par votre pieux organe. Hôte divin de votre cœur, inspirateur en ceci de votre charité de père et de frère, Xotre-Seigntur Jésus-Christ me commande par vous de traiter cette question : Faut-il laisser à certains moines, nos fils et nos frères, la triste liberté de ne point obéir à ces paroles de l’apôtre saint Paul : « Celui qui ne veut pas travailler, ne doit pas a manger ’ ? » — Puisque le Seigneur, empruntant vos désirs et votre voix pour son œuvre, veut que je vous adresse à ce sujet une réponse écrite, puisse-t-il aussi m’aider à obéir, et me faire comprendre , au fruit que mon œuvre produira, que, par sa grâce, j’obéis à lui-même !

. Le premier point à examiner, c’est Largumentation des individus de cette profession qui refusent de travailler ; le second, c’est ce qu’il faut dire pour les corriger, si nous trouvons qu’en ceci leurs sentiments soient contraires à la loi.

D’après eux, ce n’est pas le travail corporel où se fatiguent le laboureur et l’ouvrier, que l’Apôtre a prescrit quand il disait : « Celui qui • U Thess. m. 10.

S. AuG. — Tome XII.

a ne veut pas travailler, ne doit pas manger ». L’Apôtre ne peut contredire l’Evangile où le Seigneur lui-même se prononce en ces termes : « C’est pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez point où vous trouverez de quoi « manger pour le soutien de votre vie, ni d’où a vous aurez des vêtements, pour couvrir votre « corps ; la vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? Considérez les oiseaux du ciel : ils ne sèment « point, ils ne moissonnent point, et ils n’amassent point dans des greniers ; mais votre « Père céleste les nourrit : n’êtes-vous pas a beaucoup plus qu’eux ? Quel est d’ailleurs « celui d’entre vous qui puisse avec tous ses « soins ajouter à sa taille la hauteur d’une «coudée ? Pourquoi aussi vous inquiétez-

« vous pour le vêtement ? Considérez comment croissent les lys des champs : ils ne « travaillent point, ils ne filent point ; et cea pendant je vous déclare que Salomon même a dans toute sa gloire n’a jamais été vêtu « comme l’un d’eux. Si donc Dieu a soin de « vêtir de cette sorte une herbe des champs «qui est aujourd’hui debout et qui sera défi main jetée dans le four, combien plus 3k«rat-il soin de vous, hommes de peu de foi ? « Ne vous inquiétez donc point en disant : « Que mangerons-nous, ou que boirons-nous, «ou de quoi nous vêtirons-nous ? Comme

« font les païens qui cherchent toutes ces 8 choses ; car votre Père sait que vous en avez « besoin. Cherchez donc premièrement le