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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/364

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claire et parfaite de Dieu le Père, les justes en qui il vit aujourd’hui par la foi.

Si je me trompe dans cette interprétation, j’en accepte d’avance une plus heureuse. Mais pour le moment je n’en vois pas d’autre. Eh ! que pourrons-nous chercher encore, quand nous aurons été admis à la contemplation de l’essence divine ? Sur la terre cette : jouissance nous est refusée, et : toute notre joie est l’espérance d’y parvenir. « Or l’espérance qui verrait, ne serait plus de l’espérance, car comment espérer ce qu’on voit déjà ? Nous espérons donc ce que nous ne voyons, pas encore, et nous l’attendons par la patience, tandis que le Roi repose. sur sa couche ». Car alors se vérifiera pour nous. cette parole du psalmiste : « La vue de votre visage me remplira de joie ( Rom., VIII, 24, 25, ; Cant., I, 11 ; Ps., XV, 11). Mais cette joie sera si abondante qu’elle rassasiera tous nos désirs, et que nous ne saurions rien demander de plus. Et en effet, nous verrons Dieu le Père ; et cela ne nous suffira-t-il pas ? L’apôtre Philippe le comprenait bien quand il disait à Jésus-Christ : « Montrez-nous le Père, et cela nous suffira ». Toutefois il n’en avait pas une intelligence pleine et parfaite, car il eût pu dire également : Seigneur, montrez-vous à nous, et cela nous suffira. C’est ce que le Sauveur se proposa de lui faire entendre par cette réponse : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et vous ne me connaissez pas ? Philippe, celui qui me voit, voit aussi mon Père ». Mais parce que Jésus-Christ voulait qu’avant d’obtenir la vision intuitive du Père, cet apôtre vécût d’une vie de foi, il ajouta : « Ne croyez-vous pas que je suis en mon Père, et que mon Père est en moi ? (Jean, XIV, 9,10 ) »

Et en effet, « pendant que nous habitons dans ce corps, nous marchons hors du Seigneur, car nous n’allons à lui que par la foi, et « nous ne le voyons pas encore à découvert ( II Cor., V, 6, 7 ) ». Or la vision intuitive. sera la récompense de notre foi ; et c’est cette foi qui purifie nos cœurs, selon cette parole du livre des Actes : « Le Seigneur purifie les cœurs par la foi (Act., XV, 9 ) ». Une autre preuve de cette vérité, et preuve bien convaincante, est la sixième béatitude qui est ainsi conçue : « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu ( Matt., V, 8 ) ». D’un autre côté le Psalmiste nous rappelle que cette jouissance de la vision intuitive est réservée pour l’éternité, quand il met ces paroles dans la bouche de Dieu : « Je le rassasierai de la longueur du jour, et je lui ferai voir le Sauveur que j’ai promis (Ps., XC, 16) ». Il est donc indifférent de dire : montrez-nous le Fils, ou montrez-nous le Père ; car l’un ne peut être vu sans l’autre, puisqu’ils sont un, selon cette parole de Jésus-Christ : « Le Père et moi nous sommes un ( Jean, X, 30) ». -C’est à cause de cette inviolable unité que souvent nous nommons le Père seuil, ou le Fils seul, comme devant nous remplir de joie par la vue de son visage.

18. Mais ici encore on ne sépare point du Père ni du Fils l’Esprit-Saint, qui est l’Esprit de l’un et de l’autre. Il est, en effet, « cet Esprit de vérité que Je monde ne peut recevoir (Jean, XIV, 17 ) ». Ainsi notre joie sera véritablement pleine et parfaite par la vision intuitive de la sainte Trinité, à l’image de laquelle nous avons été formés. Aussi disons-nous quelquefois que le Saint-Esprit seul suffira à notre béatitude ; et cette manière de parler est vraie, parce que l’Esprit-Saint ne peut être séparé du Père ni du Fils. Il en est de même et du Père, parce qu’il est inséparablement uni au Fils et au Saint-Esprit, et du Fils, parce qu’il est inséparablement uni au Père et au Saint-Esprit. C’est ce qu’exprime formellement ce passage de l’Evangile : « Si vous m’aimez, dit Jésus-Christ, gardez mes commandements, et je prierai mon Père, et il vous donnera un autre Consolateur, pour qu’il demeure éternellement avec vous, l’Esprit de vérité que le monde ne peut recevoir » : c’est-à-dire ceux qui aiment le monde, car « l’homme animal ne perçoit pas les choses qui sont de l’Esprit de Dieu (Jean, XIV, 15, 17 ; I Cor., II, 14) ».

Peut-être aussi voudrez-vous expliquer cette parole : « Je prierai mon Père, et il vous enverra un autre Consolateur », dans ce sens que le Fils seul ne suffit pas à notre bonheur éternel ? Eh bien ! voici un passage où le dogme contraire est expressément énoncé. « Lorsque l’Esprit de vérité, dit Jésus-Christ, sera venu, il vous enseignera toute vérité (Jean, VI, 13 ) ». Est-ce qu’ici le Fils est séparé de L’Esprit-Saint, comme s’il ne pouvait lui-même enseigner toute vérité, et comme si l’Esprit-Saint devait suppléer à l’imperfection de son enseignement ? Ajoutez donc, si cela vous plaît, que l’Esprit-Saint est plus grand que le Fils,