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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/392

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tant que « nous sommes éloignés du Seigneur, et que nous n’allons à lui que par la foi, sans le voir encore à découvert ( II Cor., V, 6,7 ) », nous ne saurions voir le Christ que par derrière, c’est-à-dire en sa chair. Et même, pour obtenir cette vision, il nous faut, à l’exemple de Moïse, demeurer. fermes sur le rocher de la foi, d’où nous la contemplerons comme d’un lieu sûr et inexpugnable, c’est-à-dire du sein de l’Église catholique, dont Jésus-Christ a dit « qu’il l’établirait sur la pierre ». Au reste, notre amour pour Jésus-Christ et notre désir de voir sa face sont d’autant plus grands en nous, que nous connaissons mieux combien le premier il nous a aimés en sa chair. 29. J’ajoute que notre salut et notre justification s’opèrent par la foi en sa résurrection selon cette même chair. Car, nous dit l’Apôtre, « si vous croyez de cœur que Dieu a ressuscité Jésus-Christ après sa mort, vous serez sauvés » : et encore : « Jésus-Christ a été livré à la mort pour nos péchés, et il est ressuscité pour notre justification ( Matt., XVI, 18 ). Sa résurrection selon la chair est donc le mérite de notre foi. Et en effet, les Juifs croient bien qu’en cette chair il est mort sur la croix, mais ils rejettent le dogme de sa résurrection. Nous, au contraire, nous y adhérons fermement, parce que nous sommes établis sur la pierre ferme. C’est pourquoi « nous attendons d’une espérance certaine l’adoption des enfants de Dieu, qui sera la délivrance de nos corps ( Rom., VIII, 23) ». Car cette plénitude de perfection que la foi nous montre en Jésus-Christ, qui est le Chef des élus, doit aussi se réaliser en nous qui sommes les membres de son corps mystique. Aussi veut-il ne se montrer à nous par derrière, qu’au moment où sa gloire passera, afin que nous croyions à sa résurrection. Le mot pâque signifie en hébreu passage, et c’est à ce sens que fait allusion l’évangéliste saint Jean, lorsqu’il dit « qu’avant la fête de la pâque, Jésus-Christ sachant que l’heure était venue de passer de ce monde à son Père (Jean, XIII, 1 ) ». 30. Toutefois, il est important d’observer que les hérétiques et les schismatiques qui professent ce dogme de la résurrection en dehors de l’Église catholique, ne voient point par derrière le Sauveur Jésus du lieu qui est près de lui. Ce n’est pas, en effet, sans une intention particulière que le Seigneur dit à Moïse : « Voici un lieu près de moi ; tu te tiendras là sur ce rocher ». Quel lieu terrestre est plus rapproché du Seigneur ? Etre rapproché de lui, c’est le toucher spirituellement. Car, autrement, quel lieu n’est près du Seigneur, puisqu’il atteint avec force d’une extrémité à l’autre, et qu’il dispose toutes choses avec douceur ? N’est-ce pas encore de lui que le Prophète a dit que « le Ciel est sa demeure, et la terre l’escabeau de ses pieds » ? Et lui-même ne nous dit-il pas : « Quel palais pouvez-vous me bâtir ? et quel est le lieu de mon repos ? tout ce qui existe, ma main l’a fait ( Isa., LXVI, 1,2 ) » ? Ainsi le lieu qui est tout spécialement près du Seigneur, et dans lequel nous nous tenons sur la pierre ferme, est l’Église catholique. C’est là que celui qui croit à la résurrection de Jésus-Christ contemple la pâque du Seigneur, c’est-à-dire son passage, et il le voit lui-même par derrière, c’est-à-dire en la réalité de son humanité. « Tu te tiendras là sur ce rocher, dit le Seigneur à Moïse, lorsque ma gloire passera ». Et en effet, quand la gloire du Seigneur Jésus passa devant nos yeux dans le mystère de la résurrection et dans celui de l’ascension, nous fûmes solidement établis sur la pierre. Pierre lui-même fût confirmé dans la foi, en sorte que, désormais, il prêcha courageusement celui qu’il avait auparavant renié par crainte et par faiblesse. Sans doute, par le fait seul de sa vocation à l’apostolat, il avait été placé dans un creux du rocher, mais le Seigneur le couvrait de sa main, et l’empêchait de voir. Certainement, il devait un jour voir le Seigneur par derrière, mais plus tard, parce que Jésus-Christ n’était pas encore passé de la mort à la vie, et qu’il n’était pas encore entré en possession de la gloire de sa résurrection. 31. Nous trouvons aussi un sens figuratif dans les paroles suivantes du livre de l’Exode : « Je te couvrirai de ma main, dit le Seigneur à Moïse, jusqu’à ce que ma gloire soit passée. Ensuite, je retirerai ma main, et tu me verras par derrière ( Exod., XXIII, 22, 23. ) ». Nous savons, en effet, que beaucoup d’entre les Juifs, figurés alors par Moïse, crurent en Jésus-Christ après sa résurrection ; et ils le virent par derrière, parce que le Seigneur avait retiré sa main de devant leurs yeux. C’est ce qu’avait annoncé le prophète Isaïe, dont l’évangéliste saint