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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/397

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et moi, nous nous les approprierons. Quant aux erreurs qui pourraient s’y glisser, vous devez me les attribuer, et toutefois éviter d’en faire, pour vous ou pour moi, une faute personnelle. 3. Je commence donc ce troisième livre au point où le second s’est arrêté. Nous voulions d’abord prouver deux choses ; la première, que le Fils n’est pas inférieur au Père, parce qu’il est envoyé par le Père ; et la seconde, que l’Esprit-Saint qui, selon l’Evangile, est envoyé par le Père et par le Fils, n’est inférieur ni à l’un ni à l’autre. C’est pourquoi j’ai dû examiner sous ses diverses faces cette double question : Comment le Fils a-t-il pu être envoyé là où il était déjà, car lorsqu’il est venu dans le monde, « il était déjà dans le monde ( Jean, I, 10 ) » ; et encore, comment l’Esprit-Saint a-t-il, lui aussi, été envoyé là où il était déjà, puisque le Sage nous dit que « l’Esprit du u Seigneur remplit l’univers, et que celui qui contient tout, entend tout ( Sag., I, 7 ) » ? Mais ici toute difficulté s’évanouit dès qu’on reconnaît quo le Fils de Dieu est envoyé, parce qu’il s’est au dehors revêtu de notre chair, et que quittant pour ainsi dire le sein de son Père, il s’est rendu visible aux yeux des hommes, en prenant la forme d’esclave. Et de même l’Esprit-Saint est dit envoyé, parce qu’il s’est montré sous la forme sensible d’une colombe, et d’un globe de feu qui se divisa en langues. Le Fils et le Saint-Esprit sont donc envoyés, lorsque d’invisibles qu’ils sont, ils se montrent à nous sous une forme corporelle. Mais parce que le Père n’a jamais apparu de la sorte, et qu’il a toujours envoyé le Fils, ou l’Esprit-Saint, on dit qu’il n’a point de mission. En second lieu, j’ai recherché pourquoi l’on parle ainsi du Père, quoiqu’il soit vrai qu’il s’est montré dans les apparitions sensibles dont les patriarches furent favorisés. De plus, si le Fils se révélait dès lors, et se rendait visible sous une forme corporelle, pourquoi n’est-il dit envoyé que bien des siècles après, et lorsque dans la plénitude des temps il naquit d’une femme ( Gal., IV, 4 ) ? Voulez-vous, au contraires justifier cette expression en disant qu’il n’y eut, à l’égard du Verbe, de véritable mission qu’au jour où il se fit chair ? je vous demanderai pourquoi vous dites également du Saint-Esprit qu’il a été envoyé, quoiqu’il ne se soit jamais incarné ? Enfin, si nous ne devons reconnaître séparément dans ces anciennes, apparitions ni le Père, ni le Fils, ni le Saint-Esprit, quelles raisons avons-nous aujourd’hui de dire que le Fils a été envoyé, puisque déjà il l’avait été sous ces formes diverses ? C’est pour traiter ces importantes questions avec plus de lucidité, que j’ai divisé ma réponse en trois parties. La première a été l’objet du second livre, et je réserve les deux autres pour le troisième. J’ai donc prouvé que dans ces anciennes apparitions, et sous ces formes sensibles on peut indifféremment reconnaître tantôt le Père, ou le Fils ou le Saint-Esprit, et tantôt la Trinité entière, qui est le Dieu unique et véritable. C’est l’étude approfondie du contexte, qui peut seule déterminer à laquelle des trois personnes divines on doit rapporter l’apparition.


CHAPITRE PREMIER.

QUESTIONS A EXAMINER.

4. J’aborde maintenant la seconde partie de ma division, et ici trois questions se présentent. Dieu a-t-il, dans ces diverses apparitions, formé tout exprès une créature pour se montrer aux hommes de la manière qu’il jugerait la meilleure ? ou bien les anges qui existaient déjà, et que le Seigneur envoyait pour parler en son nom, choisissaient-ils parmi les créatures corporelles, celles qui convenaient le mieux à leur ministère ? ou enfin ces mêmes esprits, usant de la puissance qu’ils ont reçue du Créateur, changeaient-ils leur propres corps, qu’ils plient et dirigent à leur gré, aux formes qu’ils croyaient les plus favorables à l’accomplissement de leur mission ? Après avoir traité ces trois questions avec toute la lucidité que le Seigneu,r me permettra d’y apporter, je passerai à une quatrième que je m’étais déjà posée, à savoir si le Fils et le Saint-Esprit ont été envoyés par le Père antérieurement au mystère de l’Incarnation, et dans le cas de l’affirmative, en quoi cette première mission peut différer de celle que l’Evangile nous raconte. Ne vaut-il pas mieux, au contraire, soutenir que le Fils n’a été envoyé qu’en devenant le Fils de la Vierge Marie, et l’Esprit-Saint, qu’en se montrant sous la forme visible d’une colombe, ou d’un globe de feu ? 5. Mais j’avoue tout d’abord qu’il est au-dessus de mes forces et de mon intention de rechercher si les anges, tout en conservant les propriétés spirituelles de leur corps, peuvent secrètement s’adjoindre des éléments plus