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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome XII.djvu/574

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puissante ; parce que notre volonté, qui fait partie de notre nature, éprouve des affections diverses, suivant que nous sommes attirés ou repoussés par les objets qui se présentent à elle ou lui sont offerts par le hasard. Mais quoi ? dirons-nous que notre volonté, quand elle est droite, ne sait que désirer, ni qu’éviter ? Si elle le sait, elle a donc une certaine science propre qui suppose nécessairement la mémoire et l’intelligence. Ou bien prêterons-nous l’oreille à celui qui affirmera que la charité, qui ne fait pas le mal, ne sait pas ce qu’elle a à faire ? Ainsi donc cette mémoire principale, où nous trouvons tout prêt et comme mis en réserve de quoi occuper notre pensée, cette mémoire a déjà l’amour, aussi bien que l’intelligence : car nous les y trouvons tous deux, quand nous découvrons par la pensée que nous comprenons et que nous aimons quelque chose, et nous voyons qu’ils y étaient, même quand nous n’y pensions pas ; et cette intelligence qui se forme par la pensée, elle a l’amour, comme elle a la mémoire : et ce verbe vrai, nous l’exprimons intérieurement sans le secours d’aucune langue, quand nous disons ce que nous connaissons ; car le regard de notre pensée ne se retourne vers quelque chose que par la mémoire, et il ne prend soin d’y retourner que par l’amour. De même l’amour qui unit comme père et fils la vision qui a son siége dans la mémoire et la vision de la pensée qui en est formée, ne saurait ce qu’il doit raisonnablement aimer s’il n’avait la science de désirer, qui suppose nécessairement la mémoire et l’intelligence.


CHAPITRE XXII.

COMBIEN EST GRANDE LA DIFFÉRENCE ENTRE L’IMAGE DE LA TRINITÉ QUE NOUS DÉCOUVRONS EN NOUS ET LA TRINITÉ ELLE-MÊME.


42. Ces trois choses, mémoire, intelligence, amour, se trouvant dans une seule personne, telle qu’est l’homme, on peut nous dire : Elles sont à moi, et non à elles-mêmes ; ce n’est pas pour elles, mais pour moi, qu’elles font ce qu’elles font, ou plutôt c’est moi qui agis par elles. En effet, je me souviens par la mémoire, je comprends par l’intelligence, j’aime par l’amour ; et quand je tourne vers ma mémoire le regard de ma pensée, que je dis en mon cœur ce que je sais et que le verbe vrai est engendré de ma science, verbe et science, tous les deux sont à moi. Car c’est moi qui sais, c’est moi qui dis en mon cœur ce que je sais. Et quand, réfléchissant, je trouve dans ma mémoire que je comprends déjà, que j’aime déjà quelque chose, cette intelligence et cet amour qui étaient là même avant que j’en formasse ma pensée, je trouve dans ma mémoire même, que c’est mon intelligence, celle par laquelle je comprends ; mon amour, celui par lequel j’aime, et qu’ils ne s’appartiennent pas. De même, quand ma pensée se souvient et veut retourner à ce qu’elle avait laissé dans la mémoire, le comprendre, le considérer et le dire intérieurement, c’est ma mémoire qui se souvient, c’est de ma volonté qu’elle veut et non de la sienne. Enfin mon amour lui-même, quand il se souvient et comprend ce qu’il doit désirer, ce qu’il doit éviter, se rappelle par ma mémoire et non par la sienne, comprend par mon intelligence et non par la sienne, tout ce qu’il aime avec intelligence. En deux mots, on peut dire : c’est moi qui, par ces trois choses, me souviens, comprends et aime, moi qui ne suis ni mémoire, ni intelligence, ni amour, mais qui possède ces trois choses. On peut donc dire que ces trois choses appartiennent à la personne qui les possède, mais non que la personne qui les possède soit ces trois choses. Or, dans la simplicité de cette nature souveraine qui est Dieu, bien qu’il n’y ait qu’un seul Dieu, il y a trois personnes, le Père, le Fils et le Saint-Esprit.


CHAPITRE XXIII.

ENCORE DE LA DIFFÉRENCE QU’IL Y A ENTRE LA TRINITÉ QUI EST DANS L’HOMME ET LA TRINITÉ QUI EST DIEU. ON VOIT MAINTENANT, A L’AIDE DE LA FOI, LA TRINITÉ A TRAVERS UN MIROIR, POUR MÉRITER DE LA VOIR UN JOUR PLUS CLAIREMENT FACE A FACE SELON LA PROMESSE.

43. Autre chose est donc la Trinité substantielle, autre chose l’image de la Trinité dans un objet étranger. C’est à cause de cette image qu’on donne aussi le nom d’image à l’être même où sont ces trois choses ; comme on appelle image tout à la fois et le tableau et ce qui est peint dessus ; mais le tableau ne porte le nom d’image qu’à cause de la peinture qu’il présente. Or, dans cette souveraine Trinité, incomparablement supérieure à tout ce qui