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Page:Austen - La Famille Elliot T1.djvu/31

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Elle avait été si jeune maîtresse et souveraine dans la maison de son père, qu’elle-même devait se croire plus âgée, et le paraître surtout aux yeux des étrangers qui la voyaient depuis si long-temps à la même place : pendant treize longues années, elle avait fait les honneurs de la table, assise au haut bout avec un air d’importance et de dignité qui la vieillissait même dans sa première jeunesse ; décidant de tout, engageant, grondant, renvoyant les domestiques comme bon lui plaisait ; disposant à son gré d’un équipage à quatre chevaux, dont elle occupait le fond à côté de lady Russel ; la suivant immédiatement dans les salons et les visites du voisinage ; ouvrant tous les bals du comté avec la même attitude, les mêmes pas, et treize printemps l’avaient vue voyager sur la route de Londres avec son père, qui la produisait toutes les années dans le grand monde pendant la saison des longues soirées. Elisabeth calculait tristement combien de fois elle était allée et revenue sans la moindre variation que celle de l’atmosphère, sans le moindre changement dans son sort ou dans sa figure, ce calcul la conduisait à celui de ses années, et ramenait toujours les deux croix et le nombre neuf, si près de la troi-