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Page:Avenel - Histoire de la presse française, 1900.djvu/48

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HISTOIRE DE LA PRESSE FRANÇAISE

Dès lors, la parole et la presse semblent changer d’accent. « Au lieu d’une conversation générale et spéculative, dit M. Taine[1], c’est une prédication en vue d’un effet pratique, subit, profond et prochain, vibrante et perçante comme un clairon d’appel. Coup sur coup éclatent des pamphlets révolutionnaires qui paraissent par centaines et par milliers, tous répétés et amplifiés dans les assemblées électorales où les nouveaux citoyens viennent donner libre cours à leur éloquence enflammée. Le cri unanime, universel et quotidien roule d’écho en écho jusque dans les casernes, les faubourgs, les marchés, les ateliers, les mansardes. »

Cette effervescence, fruit naturel de la gravité des circonstances, inspira cependant les plus vives alarmes au roi et à son ministre Necker, qui s’efforcèrent d’en arrêter le cours. Mais les sévérités et les maladresses de la police ayant suscité des protestations indignées, le gouvernement dut se résigner à laisser passer ce déluge d’écrits qui inonda en un moment tout le royaume.

Parmi les protestations qui contribuèrent à affranchir les brochures et les pamphlets des rigueurs de la police, il faut signaler celle de Mirabeau sur la liberté de la presse vers la fin de 1788[2]. On y retrouve tous les traits de son éloquence parfois un peu boursouflée, mais toujours entraînante. « C’est au moment, s’écrie le grand tribun, où la nécessité des affaires, la méfiance de tous les corps, de tous les ordres, de toutes les provinces, la diversité des principes, des avis. des prétentions, provoquent impérieusement le concours des lumières et le contrôle universel ; c’est dans ce moment, que parla plus scandaleuse des inconséquences, on poursuit, au nom du monarque, la liberté de la presse, plus sévèrement, avec une inquisition plus active, plus cauteleuse que ne l’a jamais osé le despotisme ministériel le plus effréné. Le roi demande des recherches et des éclaircissements sur la constitution des Etats Généraux et sur le mode de leur convocation……, et ses ministres arrêtent l’ouvrage posthume d’un des publicistes les plus réputés de la nation[3].

« On semble vouloir mettre tous les livres en quarantaine pour les

  1. La Révolution, I. I, p, 35.
  2. Archives parlementaires, t. I, p. 569-570.
  3. Il s’agit des écrits de Mably, qui avait prévu, prédit, et pour ainsi dire ordonné les Etats Généraux. Son livre devint le catéchisme des Français, suivant l’expression de Rabaut-Saint-Etienne, t. I. p. 281. Précis de l’histoire de la Révolution française.