Page:Aventure n° 3, jan 1922.djvu/38

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et sollicite l’épiderme fatigué des pieds. Ôter ses chaussures, et marcher en discourant sur le sol uni de cette rue, avec un maître ou un disciple. Je pense aux adolescents des académies antiques ; ils allaient jambes nues dans les ruisseaux des bois, mais ils craignaient les cailloux pointus au travers de l’eau claire. Par un minuit d’été, je parcours les rues désertes ; je foule la douceur d’un macadam ; je marche heureux et libre. Malgré la fascination de vos yeux verts, Diana, je ne regrette pas le petit bar…

Paix retrouvée des soirs où tout se simplifie, pourquoi permettez-vous à nos lassitudes devenues heureuses l’effroi des cauchemars ? Autour de moi des colonnes. Elles sont de fonte, vertes, massives et serrées. Elles soutiennent la route que suit aux heures fiévreuses du jour, dans un bruit de ferraille, certain monstre mécanique pour descendre au loin dans la terre qui s’élève. Les colonnes s’en vont décroissant. La nuit les fait vagues et la dernière aperçue confond son ombre avec le sol. Ce soir, elles ne s’ébranlent plus de chocs douloureux ; elles sont les piliers de quelque temple mal limité à ma droite et à ma gauche. Le silence y règne. Si ces colonnes frémissent ce sera d’un tonnerre religieux. Jusqu’à ce jour, je ne savais pas quel mystère s’y cachait. Maintenant derrière chacune d’elles s’embusque une frayeur, comme les diables qui s’abritaient autrefois à l’ombre des piliers pour le trouble des saints moines et dévots : frayeur de luxure, cette femme aux cheveux collés, à la bouche obscène, au corsage rouge, qui s’accroche à moi, vendeuse de caresses ;