Aller au contenu

Page:Bédier - Les Fabliaux, 2e édition, 1895.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 7 —

branlait pas, comment il tentait de se rassurer, à voir tant d’illustres hôtes l’habiter en paix qui ne doutaient pas qu’il ne fût fondé sur le diamant, — c’est un historique qui n’intéresserait pas le lecteur, et d’ailleurs fort obscur pour celui même qui écrit ces lignes. Qui peut suivre clairement le mystérieux travail par lequel se fonde ou se détruit une croyance ?

Toujours est-il que je crus bon de faire la critique du système orientaliste, et sincère d’exposer mes doutes sur sa solidité. Cela, malgré le consentement presque universel, qui l’accueille depuis tant d’années. Mais, disait Pascal, « ni la contradiction n’est marque certaine d’erreur, ni l’incontradiction n’est marque certaine de vérité. »

Voici, brièvement, quelles sont nos positions.

L’argument fondamental de la théorie orientaliste est celui-ci : À suivre, à la piste, un conte populaire, on remonte d’âge en âge et de pays en pays jusqu’à un texte sanscrit. Arrivé là, il faut s’arrêter. Invinciblement, nous sommes ramenés vers l’Inde, aux premiers siècles du bouddhisme ; à cette époque, les contes y foisonnent. Cherchez-les en Grèce, à Rome, ou dans le haut moyen âge : l’antiquité classique, le monde chrétien jusqu’aux Croisades paraissent les ignorer.

Après nous être mis en garde contre la tendance à croire que, des diverses formes d’un même conte, la plus ancienne en date est nécessairement la forme-mère, — ce qui est le sophisme : post hoc, ergo propter hoc, — nous avons recherché s’il était vrai pourtant que le monde occidental eût si tardivement connu les contes populaires. Il n’a pas été malaisé de rappeler (Chapitre III) que, pour les fables tout au moins, la proposition des indianistes devait