Page:Bédier - Les Fabliaux, 2e édition, 1895.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
PREMIÈRE PARTIE


La Question de l’origine et de la propagation des Fabliaux


Séparateur


CHAPITRE I


IDÉE GÉNÉRALE DES PRINCIPAUX SYSTÈMES EN PRÉSENCE

I. Position de la question : force singulière de persistance et de diffusion que possèdent les fabliaux et, en général, toutes les traditions populaires ; d’où ce problème : Comment expliquer la présence des mêmes traditions et, plus spécialement, des mêmes contes, dans les temps et les pays les plus divers ?

II. Qu’on ne saurait séparer la question de l’origine des fabliaux du problème plus compréhensif de l’origine des contes populaires, en général. C’est ce que montrera l’exposé des diverses théories actuellement en conflit.

III. Théorie aryenne de l’origine des contes : les contes populaires modernes renferment des détritus d’une ancienne mythologie aryenne.

IV. Théorie anthropologique : ils renferment des survivances de croyances, de mœurs abolies, dont l’anthropologie comparée nous donne l’explication.

V. Théorie des coïncidences accidentelles.

VI Théorie orientaliste : les contes dérivent, en grande majorité, d’une source commune, qui est l’Inde des temps historiques.

VII. Que cette dernière théorie seule nous intéresse directement : car, seule, elle donne une solution au problème des fabliaux ; mais aucune des théories en présence ne peut la négliger : car, vraie, elle les ruine toutes.

I

Un soir de moisson que le poète Mistral causait avec des gars de son pays, un mari et sa femme passèrent en se querellant. Comme les paysans s’amusaient de la dispute, le mari se contenta de dire, résigné : « Qu’y ferons-nous ? C’est la Femme au pouilleux ! » — « Qu’est-ce à dire ? » demanda le poète, et un vieillard lui conta cette facétie : « Il était une fois un berger qui eut une altercation avec sa femme, un peu acariâtre ; —