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Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 2.pdf/164

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D’affreux vautours, que leur pâture enivre,
Vont mutiler le noble ravisseur.
Fils de Japet, ah ! que Dieu te délivre,
        Te délivre au moins du censeur.

Avec Thalie, en satires féconde,
Peignons nos grands, leurs valets, leurs rimeurs,
Les vils ressorts qui font mouvoir le monde,
Et la cour même envenimant nos mœurs.
Délateur, tremble ! en scène il faut me suivre.
Jeffrys[1] en vain t’a pris pour assesseur.
Quoi ! tu souris !… ah ! que Dieu nous délivre,
        Nous délivre au moins du censeur.

De Louis Onze évoquons les victimes ;
Que, dévoré d’un sanguinaire ennui,
Ce roi bigot, pour se soûler de crimes,
Mette sa vierge entre le diable et lui[2].
Mais, tout sanglants, nos Tristans[3] vont poursuivre
Ce vœu formé contre un lâche oppresseur.
Morts ! taisez-vous ! ou que Dieu nous délivre,
        Nous délivre au moins du censeur.

Je laisse donc Thalie et Melpomène
Pour la chanson, libre en dépit des rois.

  1. Juge anglais devenu fameux pendant la restauration des Stuarts, et dont le nom est un peu estropié ici par nécessité pour la mesure.
  2. Louis XI, au dire de quelques historiens, demandait pardon de ses crimes à la bonne Vierge de plomb qu’il portait à son chapeau.
  3. Tristan est le nom du grand prévôt de Louis XI ; il était gentilhomme, et réunissait aux fonctions de juge celles d’éxécuteur des hautes-œuvres.