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Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/145

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des coupures plus ou moins habiles, réussirent à mettre bout à bout, au fil de la matière, les chants séparés d’Homère ou des Homérides.

3° Mais l’unité est indéniable et, toutes réserves faites sur l’écriture au temps d’Homère et sur la période de transmission orale, la main d’un poète de métier, d’un grand poète se retrouve partout, dans la matière et dans la construction —, à moins que cette perfection de forme et d’unité ne revienne aux Homérides, aux Pisistratides ou aux critiques[1].

Je ne dis pas qu’il soit aisé, ni même possible de concilier ces trois affirmations. Je les crois un peu contradictoires ou, plutôt, contrariées à dessein : Wolf était préoccupé moins de dire clairement toute sa pensée que de courir sans trop de dommage sur les charbons ardents et de ne rien oser qui pût mettre en émoi le Cammergericht de Berlin.

Pourtant, à la fin des 26 pages de cette Préface de 1795, qui est déjà un ajouté explicatif aux 280 pages des Prolégomènes, WoIf semble ouvrir la porte à des conceptions plus hérésiarques : « On pourra démontrer clairement qu’il ne faut attribuer à Homère que la majeure partie des poèmes ; le reste est l’œuvre des Homérides qui suivaient le plan donné par lui ; les Pisistratides vinrent ensuite qui mirent en ordre et par écrit les deux recueils, après des études nouvelles et remarquables ; le travail fut achevé par les arrangeurs, les diaskeuastes, pour ne rien dire des légers perfectionnements apportés enfin par les critiques, sur l’autorité desquels notre vulgate repose. J’ai tâché dans les Prolégomènes d’exposer la majeure partie de cette histoire ; je mettrai

  1. Kleine Schriften, I, p. 200 : illud in controversiam veniet quantae partis Homericorum Homerus videatur auctor esse atque utrum ipsi an Homeridis, Pisistratidis et criticis tribuenda sit hujus splendidissimorum duorum operum artificiosae formae et compositionis perfectio.