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Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/221

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du maître ; il se fût bien gardé « d’envahir cette province qui n’était plus inoccupée »[1] ; comme toute l’Allemagne érudite, il connaissait le nom des collaborateurs, qui travaillaient ou avaient travaillé avec Heyne : S.-F.-N. Morin de 1781 à 1783, C.-D. Beck et C.-F. Matthæi depuis 1783[2].

Wolf, ami de Kœppen, pouvait-il ne pas avoir été mis au courant par lui et par les autres disciples de Heyne...? Admettons cette invraisemblance. Mais cette Épître à Tychsen de Heyne, que Wolf avait rappelée en sa Préface de la Théogonie, était célèbre dans toute l’Europe d’alors, car toutes les publications savantes avaient annoncé et analysé « ces conseils pour une nouvelle édition d’Homère », où Heyne donnait dès 1783 le plan de son travail ; devant la grandeur de la tâche ainsi définie, les érudits restaient un peu effrayés : « Il y faudra un âge d’homme », disait le compte rendu des Göttingische Anzeigen[3]. Heyne et ses collaborateurs y consacrèrent en effet vingt années (1783-1802) ; ils ne travaillaient pas à la façon de Wolf. Quand parut en 1789 le second volume de Kœppen, Wolf connut assurément le compte rendu que donna la Bibliothek der alten Litteratur und Kunst, dirigée par ce même T.-C. Tychsen et par A.-H.-L. Heeren : on y rappelait ce que l’Allemagne attendait du plus illustre de ses philologues pour l’édition du texte homérique...

Wolf « adolescent », Wolf ami de Kœppen, Wolf ancien élève de Heyne ne pouvait donc pas ignorer l’entreprise du maître ; sa phrase inconsidérée de 1795 était démentie par ses vœux de 1783. Il essaya dans ses Lettres à Heyne de la rattraper ou de la légitimer : « C’est

  1. Kleine Schriften, I, p. 199.
  2. Heyne raconte, avec les dates précises, l’histoire de ce travail en sa Préface de l’Iliade, vol. I, p. i-il, en particulier p. xiv.
  3. 1783, p. 1387 et 1435.