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Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/76

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sur cette vérité primordiale. Mais combien l’ont ensuite méconnue ou négligée ! et combien, en la proclamant, ont continué de faire, livre par livre, leurs analyses de l’Iliade et de conclure gravement que tel livre est original, que tel autre est rapporté, que cette « rhapsodie » est d’époque très ancienne, et celle-là de date très récente ! Il faudra venir jusqu’à Payne-Knight et E. Bekker (1820 et 1843) pour trouver des éditeurs d’Homère qui aient le courage de supprimer la division alexandrine et de donner un texte continu, tel que le demandait d’Aubignac. Mais après eux, leurs successeurs retomberont à l’ornière, et ce n’est pas avant M. M. von Leeuwen et da Costa (Odyssée, 1907) que l’on reprendra cette façon vraiment scientifique et qu’on la poussera encore dans le sens que voulait d’Aubignac.

Une fois la division en livres supprimée, d’Aubignac, en effet, croyait apercevoir des sutures « dans cette liaison continue de poèmes tragiques, c’est-à-dire héroïques ». Il croyait avoir observé que « quarante petites tragédies anciennes ou chansons cousues l’une avec l’autre » composaient le poème et que chacune de ces chansons avait quatre cents vers ou environ. « Car des quarante [cantiques] qui composent l’Iliade, il y en a vingt-quatre qui sont de cette mesure, un peu plus ou un peu moins ; il y en a dix qui sont de cinq cens vers ou environ, et six qui ne vont que jusqu’à trois cents ; d’où j’ai jugé qu’ordinairement les cantiques ou vieilles tragédies étoient de quatre cens vers ou environ.» (p. 152).

Il est bien regrettable que d’Aubignac ne nous ait pas donné d’indications plus précises et que l’âge, la maladie et M. Charpentier l’aient empêché d’éditer peut-être une Iliade selon ses vues. Car s’il n’était pas fou quand il écrivit ses Conjectures, il était déjà malade : « Voilà, disait-il en terminant, ce que ma mémoire et la peine que j’ai maintenant à manier les livres m’ont permis de