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Page:Bachelin - Le Serviteur.djvu/128

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LE SERVITEUR

C’était Forestier, le sabotier, à qui nous unissaient de vagues liens de parenté. Vous n’étiez pas du même avis. Forestier se prétendait libre-penseur. Nous ne nous en fournissions pas moins de sabots chez lui : le bois des sabots n’a pas de couleur autre que la noire. Vous n’étiez pas du même avis, mais on le savait une fois pour toutes. Vous ne discutiez pas. Vous parliez de la pluie et du beau temps, Forestier de ses sabots, toi de ton travail chez les autres. Toute parole prononcée était pour moi parole d’Évangile, même quand il n’était pas question de l’Antéchrist. Vous étiez des hommes qui jamais n’avaient été des enfants comme moi, et qui depuis très longtemps avaient épuisé le contenu de la vie et la somme des connaissances humaines. Et Forestier qui avait devanture de boutique sur la grand’rue, Forestier qui était conseiller municipal, ne pouvait parler qu’à bon escient.

C’étaient les Girard, à qui nous unissaient des liens encore plus vagues de parenté. Leur maison était située à plus d’un kilomètre de la nôtre, humblement blottie en face d’une de ces habitations bourgeoises à qui il ne manque que