Aller au contenu

Page:Bachelin - Le Serviteur.djvu/144

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
136
LE SERVITEUR

l’effrayaient pas. Je le regardais manger et boire en pensant au chemin qu’il avait dû faire en pleine nuit dans les bois.

Janvier ou février ramenait le « repas du cochon ». C’est une vieille coutume de nos villages, et de nos petites villes pour ceux qui, dans les faubourgs, y mènent un peu la vie des paysans. On tue le cochon, qui crie. On le grille, et les gamins dansent tout autour. On le hisse la tête la première pour l’ouvrir et le dépecer. En lui tout est bon, jusqu’aux sabots. Tout étonné des richesses qu’on a devant soi, on se dit que jamais on n’arrivera à les épuiser. Et l’on invite les autres au festin. Chaque année nous étions les invités des Girard. Ce jour aussi était une date pour moi et dans un autre sens, pour toi qui jamais ne sortais le soir. Mais, si tu avais refusé, les Girard se seraient fâchés. Il faisait chaud dans leur petite maison à plafond bas. Comme nous y étions une douzaine à nous sentir les coudes, on oubliait bien vite que sur la route gelée février soufflait à perdre haleine. On oubliait qu’il y eût des pauvres avec qui l’on avait soi-même plus de traits de ressemblance qu’avec les riches. Mais