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Page:Bachelin - Le Serviteur.djvu/161

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LE SERVITEUR

quelles les abeilles faisaient diligence, comme toi dans le jardin. Mais je me sentais plus à mon aise près de toi qu’aux environs des ruches. Les abeilles travaillent ; seulement, elles savent se défendre et même attaquer. Toi, tu ne savais pas attaquer ; et tu ne savais guère te défendre. À l’ombre courte des framboisiers nous nous asseyions sur la terre molle et chaude. Tu disais que, sous ton chapeau de joncs tressés, tu ne souffrais pas du tout de la chaleur, que tu étais « on ne peut plus au frais », et que ce n’était pas la peine de t’apporter à boire. Tu n’aimais point que l’on se dérangeât pour toi. Mais ce vin frais te faisait du bien. Et, pour rattraper le temps perdu, quelques minutes au plus, pour reprendre ta bêche tu n’attendais pas que nous fussions partis.

Ce n’était point par crainte que tu agissais ainsi, mais par conscience de ton devoir. Ceux qui t’employaient savaient qu’il était inutile de te surveiller, et ils ne le faisaient pas. Si la Marie de Mme de La Reynière était entrée dans son jardin au moment où tu étais assis sur la terre que tu venais de remuer, elle ne se serait pas dit que tu lui volais son argent. C’était une