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Page:Bachelin - Le Serviteur.djvu/74

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LE SERVITEUR

vingtième aimée tu n’étais pas un sentimental. Déjà tu faisais des économies que tu déposais à la caisse d’épargne. Tes heures de liberté, tu les employais à découvrir Paris qui t’émerveillait. Tu allais aussi voir tes frères qui l’un après l’autre y étaient venus : la famille que naguère vous formiez, qui se réunissait le soir autour du feu, la rude vie l’avait pour toujours dispersée. Il était écrit que jamais plus vous ne vous retrouveriez tous les sept assemblés. Tes frères non plus ne prétendaient point à de magnifiques situations : l’aîné était sergent de ville, deux autres garçons de restaurant, le quatrième valet de chambre. Le métier de sergent de ville est excellent, à cause de la retraite assurée ; mais, ayant amené un bon numéro, tu n’avais pas fait ton service militaire.

Tu le fis « en 70 ». Je te vois sous les armes, soldat modèle et qui ne discutais point l’idée de patrie, puisque chez toi c’était un sentiment profond. Tu fus à Gravelotte et à toutes les batailles qui se livrèrent sous Metz. Tu me parlas des balles et des obus qui pleuvaient autour de vous et sur vous, des nuits à la belle étoile ou sous la tente, des étapes, de la cuisine vite