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Page:Bacon - Œuvres, tome 15.djvu/195

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DE LA SAGESSE

(comme ceux qui savent endurer les longueurs d’une méditation soutenue)[1].


XXVI. Proserpine, ou l’esprit.


Pluton, suivant les poëtes, après ce partage mémorable de l’univers, eut pour

  1. Voici une autre explication de la dernière partie de cette fable : Tout homme qui est continuellement occupé à chercher le mot des énigmes du Sphinx, est nécessairement très sédentaire ; et l’on ne peut devenir savant qu’en méditant et écrivant beaucoup ; ce qui suppose une vie peu active, du moins dans l’automne de la vie. Pour exceller dans la théorie, il faut se résoudre à être inférieur à beaucoup d’autres dans la pratique ; et ce qu’on gagne d’un côté, on le perd de l’autre. Trop souvent un sublime génie n’est qu’un homme qui s’est crevé l’œil droit, pour mieux voir de l’œil gauche, qui a la vue longue et des jambes courtes ; c’est un Œdipe. Un auteur de ces derniers temps, écrivain valétudinaire et morose, a prétendu que l’objet de cette fable n’étoit pas la science, mais la femme, prise en général, qui, selon lui, a des grâces et des griffes, qui est fort douce pour tout le genre humain excepté pour ceux qui la contrarient, souris, la veille des noces, chatte le lendemain. Il ajoute que les demi-savans, enflés de ce peu de science qu’ils ont acquis, le débitent à tout propos, et se jettent, pour ainsi dire, sur les passans, leur proposant des questions difficiles, pour les embarrasser, pour disputer avec eux, les mettre à quia, et les humilier ; mais que tôt ou tard ces demi-savans rencontrent un homme vraiment savant qui, en deux mots, les réduit au silence et tue leur réputation usurpée ; enfin l’auteur en question dit que la science, tant qu’elle reste oisive dans la tête des savans, est peu dangereuse ; mais que, devenue active dans la tête des praticiens et sur-tout des praticiennes auxquelles on l’a communiquée, elle devient alors un instrument de leurs passions et souvent une arme meurtrière. Ainsi parle cet auteur ; mais notre santé prospère et notre gaieté habituelle ne nous permettant pas d’adopter l’injurieuse explication de ce sombre écrivain, nous croyons devoir nous en tenir à celle de Bacon.