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Page:Baillargeon - La Neige et le feu, 1948.djvu/182

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phrases ; quand il avait fini de parler, il essuyait un peu de salive teintée de sang. Rien ne l’étonnait, rien ne l’indignait. Un médiocre obtenait-il un poste de commande ? « C’est une injustice : on s’en consolera vite. » Boureil se plaignait-il du milieu ? « Les autres ont beau te mépriser, ils te flattent en renforçant le sentiment que tu as de ta valeur personnelle. » Enhardi, Boureil approuvait : naïve connaissance de soi. « Mais les petits détails qui me ficèlent comme Gulliver !… » Les narines de Voyer palpitaient : « Gulliver n’a été attaché qu’à la faveur de son sommeil. Tenons-nous coûte que coûte en alerte. S’il y a un sacrifice inutile, c’est bien le renoncement à la vie de l’esprit. Je sais bien que le nôtre ne peut briller de tout son éclat. Mais il est assez beau qu’il reste en veilleuse. Les soucis de toutes guises, l’attention aux petits détails, tout cela est ridicule. Un esprit éveillé est