Aller au contenu

Page:Baillon - Histoire d'une Marie, 2è édition, 1921.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses barques vers ces plantes. Avec un autre l’eau serait dangereuse, on aurait peur ; avec lui, l’eau devient l’amie qui vous porte, l’amie sur laquelle on se penche et à cause de ses bras ; chavirer dans cette eau serait encore du bonheur.

— Petit homme.

— Ma môme.

Elle avait de l’argent. Cela dura huit jours. Le neuvième :

— Tu sais, ma môme, quand tu voudras, faudra pas te gêner.

L’homme à la poitrine d’ours, c’est le maître. Le soir, elle rapporta trois livres.

Il dit : « Bravo, la môme, si tu continues, tu seras toujours ma petite femme. » Il le prouva. Mais le lendemain !… Les autres jours !… Elle s’était vantée : « Deux à trois livres. » Tant pis, il les voulait. Il ne la recevait pas à moins. Ouste, il la renvoyait à l’ouvrage.

On redevient tout à coup une pauvre Marie. Hier elle était libre, elle avait de l’ordre, elle vivait dans une chambre dont les clients disaient : « Mon Dieu, Mademoiselle, comme il fait propre dans votre chambre. » Aujourd’hui on est entre les pattes d’un homme, on est l’esclave d’un homme, on est sous les griffes d’un ours qui vous étrangle sur sa poitrine d’ours.

Elle était bonne, Marie, pleine de larmes, avec deux bras pour l’embrasser. Elle aurait voulu dire… Il répondait : « C’est pas tout ça, la môme, c’est de l’argent qu’il faut. »

L’argent ! La femme est une vache dont les mamelles pissent de l’argent. Quand elle en