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Page:Baillon - Histoire d'une Marie, 2è édition, 1921.djvu/153

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Il avait des amis, de jeunes comme lui, qu’il retrouvait parfois dans l’arrière-salle d’une taverne. On discutait littérature. Il leur en fit des surprises ! De tout temps, Henry Boulant traînait des bottines avec des trous : on lui voyait par là la couleur des chaussettes ; on pensait : « Il nous la fait à la pose ! » Un soir, ah bah ! plus de trous, des bouts vernis, des semelles qui craquaient !

Lui qui se vêtait en drap de corbillard, noir avec des taches, il eut un soir une de ces culottes comme on en porte avec les jaquettes — claire avec des lignes. Il avait d’ailleurs cette jaquette, et un col blanc ! et une cravate, où ne manquait même pas l’épingle !

Un jour… Henry Boulant portait des cheveux longs, des cheveux à boucles, des cheveux à scandale à faire dire aux passants : « Hé l’artiste ! voilà dix sous pour ton coiffeur ! » Un jour, on le vit, en culotte claire, les cheveux à la brosse et, par là-dessus, au lieu du feutre, très chic, posé à la mode, un canotier de paille.

On vit plus. Henry Boulant était un triste. Quelqu’un avait dit : « Boulant, un papillon collé des ailes sur un mur de goudron. » Un jour, on le vit rire.

On sut ainsi qu’il était entré dans sa vie une femme, ou tout au moins une autre femme. Il ne disait jamais grand’chose. Il avoua :

— Oui.

Il la montra. Moins jeune que lui, mais plus fraîche. Une gaillarde ! Elle avait, comme ils dirent, de ça et de ça. Elle en avait partout. Et des yeux à vous manger vif leur Henry !