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Page:Baillon - Histoire d'une Marie, 2è édition, 1921.djvu/19

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par tout le corps, où il aurait pu les chercher… ensuite les prendre.

Mais ils ne restaient pas toujours seuls : il arrivait des pas. Ils devaient alors se séparer, lui, la cacher de son ombre, elle, par-dessus l’épaule, s’assurer qu’on ne la devinait pas. Elle constatait :

— C’est le boulanger qui rentre.

Il répondait :

— Le boulanger rentre tard.

Entre eux, il n’existait encore que cela pour en former des mots. Mais bientôt, ils découvrirent autre chose :

— Je me souviens, racontait Marie. J’ai fréquenté, pendant quelques jours, une école de religieuses.

— Tiens, moi aussi, répondit Hector.

— Il tombait de la neige : un matin, un garçon en a fait une grosse boule et me l’a lancée en plein sur le nez. J’ai saigné.

— C’est curieux. Moi, je ne sais plus si la petite fille a saigné : mais, pour sûr, ma boule lui est allée en plein milieu du visage.

Vous étiez déjà bien méchant.

— Et vous déjà bien jolie.

Elle voulut savoir ce qu’étaient devenues ces mains qui avaient si durement pétri la neige ; elles étaient grandes, elles étaient larges, elles avaient des os solides ; elles tenaient bien ce qu’elles prenaient : des mains de mâles… les mains d’Hector.

Glissant sous un nuage, la lune avait pris congé des étoiles qui brillaient seules. Ce fut la nuit et même minuit. Hector le constata aux douze coups d’une cloche.