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Page:Baillon - Histoire d'une Marie, 2è édition, 1921.djvu/25

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paroles et douze heures de fatigue vous mettent une pierre bien lourde sur la langue. Alors on passe sans rien dire : on enlève, le soir, la mante que l’on avait mise le matin, et l’on pleure… seule.

Hector n’avait pas menti. Dans la maison de refuge, on accueillit Marie comme une personne à qui l’on veut du bien. On lui donna, tout de suite, à repasser du linge, pour qu’elle ne restât pas inactive et on lui dit que pour manger ça coûterait deux francs par jour.

Les dames de Bruxelles sont drôles. Dans le parloir elle en voyait par dizaine. Il en était de revêches, avec des lunettes sur une figure de chipie ; d’autres plus familières qui l’appelaient « Mademoiselle » ; d’autres encore qu’il eût été bon de servir parce qu’elles étaient jolies, toutes fraîches, toutes neuves comme des épousées le premier soir.

Pour celles-là, de préférence, Marie dépliait la feuille sur laquelle Hector avait écrit : « Je soussigné certifie que Marie a été à mon service, pendant deux ans, et que jamais je n’ai eu à me plaindre de sa conduite… »

— Madame verra que Madame sera contente.

Mais elle avait beau sourire. La dame jetait un petit coup d’œil sur le papier, un petit coup d’œil sur Marie, puis avec une moue :

— Non pas vous, ma fille, à cause de certain pli que, chez mère, on ne lui avait pas deviné dans sa jupe.

Un soir, il se présenta un Monsieur. C’était le premier. Il avait une pelisse, une grande