Page:Baillon - Histoire d'une Marie, 2è édition, 1921.djvu/257

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dont on voulait toujours plus, il y avait cette Germaine Lévine qui n’était pas une Marie, et alors, à vouloir ouvrir cette porte, à vouloir ce plus de lumière, à… non pas aimer, mais vénérer cette Germaine Lévine, cette Marie « toujours oui », cette Marie « amuse-toi, mon gosse », cette Marie, si loin d’une Germaine Lévine, devenait, qui sait ? une Marie gênante ; devenait, c’est clair, une Marie agaçante ; devenait une Marie, qui, le jour de la guitare, n’aurait certainement pas dû lui dire :

— Qu’as-tu ? J’ai trouvé une bonne recette, écoute, je vais te la lire : Salsifis frits…

Il lui arracha la recette :

— Oh ! toi, tu ne penses qu’à ton ventre.

Il planta là son dîner, il courut jusqu’au square et, cette fois, lui qui tremblait devant Germaine Lévine, il n’eut plus peur :

— Madame ! cria-t-il… Madame, reprit-il, en plus doux, j’ai reçu votre mot… vous parlez de guitare, mais il ne s’agit pas de guitare.

Oh ! non, il ne s’agissait pas de guitare !

Il s’agissait, Madame, qu’il était content de l’avoir rencontrée et qu’alors… cela ne vous ennuie-t-il pas de marcher avec un homme ?… il lui expliquerait tout. Il s’agissait, Madame,… prenez garde, une voiture… que ces choses sont bêtes à dire, mais qu’il est insupportable d’avoir tous les jours avec sa femme des histoires de salsifis frits. Oui, frits, Madame ! Il s’agissait qu’un jour il avait écrit : « Aujourd’hui, demain, dans des années… » ; il s’agissait qu’une telle phrase voulait dire… attention, un trottoir… qu’il n’aimait pas sa femme, que jamais il n’avait aimé sa femme, qu’il avait besoin de lumière, Madame,