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Page:Baillon - Histoire d'une Marie, 2è édition, 1921.djvu/37

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que c’était l’enfant, mais les douleurs recommencèrent… Alors n’être plus qu’une bête, et pousser, pousser tant qu’on peut, pour que cela finisse, jusqu’à ce que cela sorte…

Ce fut une petite fille, qu’on lui montra dans ses langes, comme si elle était venue tout habillée en ce monde. Elle avait de petits poings fermés, une bouche qui faisait déjà beaucoup de bruit, quelques cheveux noirs très fins. Elle ne ressemblait à personne.

— Ça ne pèse que trois livres, dit la sage-femme, c’est peu.

— Elle est si jolie ! répondit Marie.

Avant de s’endormir, elle songea qu’elle l’appellerait Yvonne, un joli nom qui lui était venu comme ça, tout à coup.

Ce qui suivit fut bon comme une récompense. On lui mit dans les bras son Yvonne. Elle avait faim, cette petite, elle remuait les lèvres. Marie se découvrit la poitrine.

— Bois, petite.

D’abord Yvonne ne trouva pas. Elle tenait les yeux clos : elle était comme une petite bête qui promène un museau aveugle tout le long de ce qu’elle cherche.

— Mais non, pas par là, petite ; ici, la pointe…

Et alors, mon Dieu, ces milliers de baisers qui vous sucent, ces bonnes lèvres qui ne savent rien, ces lèvres d’enfant, ces lèvres de son enfant. Plus que le lait, le don de soi rend lourd le sein de la femme :

— Prends, pensait Marie, prends ; je me donne à toi, comme je me suis donnée à l’autre : mieux. C’est ma chair que tu manges, près de mon