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Page:Baillon - Histoire d'une Marie, 2è édition, 1921.djvu/45

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Elle partit bien inquiète.

Le lundi : Tout va bien, annonça le laitier.

Mais le mardi, il eut un regard de côté :

— Pélagie a dit comme ça que vous veniez tout de suite.

Monsieur la laissa partir. Elle ne voulait pas avoir peur. Partout où roulait le train, il faisait un de ces beaux temps d’automne, quand le brouillard tire un voile devant le soleil pour ne pas fatiguer les yeux aux petits enfants. Que pourrait-il arriver de mal en ces jours-là ? Pourtant, au village, elle fut anxieuse parce que l’homme de Pélagie, qui travaillait dans un champ, au lieu de l’attendre quand il la reconnut, planta là sa bêche, comme pour aller dire : « — Attention, elle est là ». Pélagie vint à sa rencontre. Elle avait sa figure rassurante de tous les jours et tenait sur les bras son gros garçon endormi.

— Et Yvonne ?

— Yvonne, commença la fermière.

Elle ne parlait jamais très vite. Aujourd’hui elle fut plus lente encore : elle parlait posément, comme elle marchait : Yvonne, n’est-ce pas ? n’avait jamais été solide ; elle poussait mal, cette enfant ; son mari, n’est-ce pas, l’avait dit, et ce n’était pas de leur faute si un malheur…

Un malheur ! Déjà Marie n’écoutait plus. Elle courait en avant, se jetait dans la pièce et là… Jamais elle n’avait vu de mort, mais dans la berce, cet enfant qui ne bougeait plus, ces paupières fermées, cette bouche de travers :

— Ma pauvre petite Yvonne !

— Oui, dit Pélagie.

De près, on avait de la peine à la recon-