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Page:Baillon - Histoire d'une Marie, 2è édition, 1921.djvu/74

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Pour tant de Messieurs, il passait beaucoup de dames. Elles n’entraient pas aux clubs ; on sait bien que ces dames tiennent le trottoir, cent pas pour aller, demi-tour, cent pas pour revenir, chacune sur sa portion de dalles.

On voyait celle en soie rouge, celle en soie verte, celle en soie orange, de belles soies comme pour les théâtres. Mais rouge, la veille, la dame en rouge était aujourd’hui encore en rouge, en rouge demain, en rouge les autres jours. Elles n’avaient chacune que sa couleur, dans une seule robe et, à force d’être si belle, toujours en soie, toujours en vert, toujours en rouge, la dame à la longue semblait un peu pauvre.

— Bonjour, leur disait Vladimir.

— Tiens toi ! t’es donc revenu ?

— Chéri, demandait Marie, tu connais ces femmes ?

— Oh ! pas comme tu penses.

Elles s’arrêtaient une minute pour causer. De près elles sentaient comme trop de violettes dans une chambre.

— Et cela marche ?

Elles répondaient : « Pas mal » ou « le guignon » ou « un lapin », des mots que Marie ne comprenait guère.

Il y avait Suzanne et Clairette, des Françaises ; Edwig qui était Allemande ; Palmyre, une bonne Flamande, que Marie préféra.

— Au revoir, faisaient-elles, voici du monde…

Et de nouveau, sur le trottoir, cent pas pour aller, demi-tour, cent pas pour revenir.

— Et voilà, dit Vladimir…

Voilà : Londres, c’était une dame ou verte, ou rouge, ou jaune, pour des Messieurs cramoisis