Page:Baillon - Histoire d'une Marie, 2è édition, 1921.djvu/89

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Pourtant, voyez : l’homme de la dame jaune, celle qu’un jour Marie avait admirée dans le Parc, cet homme travaillait dans les mécaniques ; ils possédaient leurs meubles ; un jour ils auraient leur maison. Voyez encore Palmyre. Palmyre disait :

— Jésus-God ! dans trois mois, je pourrai rapporter un magot au pays.

À la bonne heure ! Vladimir qui ne gagnait rien dépensait tout ; il dépensait plus que tout ; il dépensait jusqu’à faire des dettes. Il jouait. L’argent qu’on perd au jeu est plus grave que les dettes : on le doit. Le corps de Marie n’y suffisait pas ; ni ses yeux, ni ses lèvres, ni aucune des voluptés roses et blanches de sa chair.

Cela, c’était mal. Mais quoi ? Elle l’avait toujours vu : à la femme, le travail. Fais comme ta mère, Marie. Prends les hommes tels qu’ils sont, largement égoïstes, accrochés à la femme dès avant leur naissance : le ventre d’abord ; après, ses mamelles ; plus tard, son sang, ses bras, ses yeux, et, toujours, à s’en crever le ventre. Vladimir, du moins, y mettait-il de la douceur, petit homme en sucre et en caresse. Il n’était pas de ces brutes qui marquent leur domination en bleu sur le dos de leur maîtresse. Ceux-là, qu’on appelle des maquereaux, elle n’en eût pas voulu.

Elle pensait cela, Marie, sans le dire : une pensée que l’on cache sous son front, toute prête, à portée, comme une arme.

Et puis, flûte ! Vivrait-on en réfléchissant constamment à ces choses ? On a son petit homme parce qu’il faut un petit homme. Qui aimer ? Qui