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Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/123

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tramway. Elle ouvre un journal. Si je lève les yeux, les siens sont sur moi.

— Elle cherche peut-être une explication.

— Jamais.

Un « jamais » aussi formel, aussi stupide que les miens.

En ce moment, Charles remit son front contre la fenêtre. La jeune fille revenait. On l’entendit :

— Ici, Kira, ici.

— C’est son chien, dit Charles.

Il grinçait des dents.

Cette scène se répéta d’autres dimanches. Il arrivait qu’en versant le café, la mère bût une tasse avec nous. J’admirais la volonté de Charles qui pensait à la fenêtre et se contraignait sur sa chaise. La jeune fille passait à heure fixe.

— Sait-elle ? Veux-tu que je lui parle ?

— Jamais.

À tant la revoir, sentant Charles si malheureux, je me passionnais avec lui. Je me disais : « Charles est là, avec sa souffrance. Comment ne le devine-t-elle pas. Si rien qu’une fois, elle se tournait un peu… » Ma volonté se tendait. Sans Charles, j’eusse frappé sur la vitre. « Mais regardez donc… Regardez donc… » Elle passait, les yeux devant elle sur son chien.

Une fois presque en face de la fenêtre, elle