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Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/140

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oublia de penser à son fils. Pour en finir, je tirai d’une bonne secousse. La couronne vint. Quelques perles restèrent, que personne ne remarquerait sans doute, mais que je vis tout le temps et qui me tracassèrent.

C’est ainsi que je fus introduit près de Charles. La mère avait dit :

— Venez le voir.

Le voir ! Des planches. Elles le cachaient, s’allongeaient jaunes et nues sur deux chaises : Charles là-dedans… un homme comme lui… Ce que je pensai le plus, c’est que je ne pensais rien. Je restais sec : tantôt déjà j’avais tout dit. D’ailleurs, j’avais à écouter le récit de la mère. Elle parlait d’un ton égal, à petites phrases, en reniflant à cause de ses larmes, sans baisser la voix ainsi que je croyais qu’on l’eût fait dans la chambre d’un mort. Elle ne disait pas : « Charles. » D’un coup de menton elle désignait le cercueil « il… lui… » comme si la mort avait effacé déjà son nom de Charles. La maladie l’avait pris tout à coup. Ce n’était pas la tuberculose : cela n’existait pas dans la famille.

— Le matin, il s’était rasé. Tenez, il était là, dans son fauteuil. Il me dit : « Maman, je mangerais volontiers une pêche. » Je la prépare. Il me dit : « L’eau m’en vient à la bouche. » Je la lui donne sur une petite assiette.